vendredi 30 octobre 2009

Les grands-mères sont-elles injustes ? Longévité, ménopause, investissement grand-parental


L’espérance de vie des femmes se prolonge bien au-delà de la ménopause, et elle est aujourd’hui même supérieure à celle des hommes. Les biologistes évolutionnistes s’intéressent à ce trait, qui n’est pas spécialement prédit par la théorie : pendant les 20 à 50 ans où la femme est devenue infertile, elle ne peut par définition transmettre ses gènes ; et l’on s’attendrait plutôt à une sélection nulle ou négative pour la longévité. Ce qui n’est pas le cas. Parmi les nombreuses hypothèses avancées pour expliquer la survie après la ménopause, la plus débattue est sans doute « l’effet grand-mère ». Elle s’expose ainsi : les grands-mères investissent temps, énergie et ressource pour s’occuper de leurs petits-enfants, ce qui augmente la probabilité de survie de deux-ci, donc en dernier ressort la transmission génétique.

Mais cette hypothèse, comme bien d’autres en théorie de l’évolution, est difficile à tester. L’équipe de Leslie Knapp (Université de Cambridge) a trouvé une idée intéressante : si l’investissement des grands-mères est (inconsciemment bien sûr) lié à la bonne transmission des gènes, on devrait peut-être observer un biais dans la survie des petits-enfants issus de leur fille plutôt que de leur fils. En raison du chromosome X, les grands-mères ont en effet un nombre variable de gènes en commun avec les lignées féminines et les lignées masculines. Le chromosome X contient 1529 gènes, 4,4 % de l’ensemble de l’ADN mais environ 8 % du génome humain. Selon que son X se transmet ou non, une grand-mère partage de 23 à 31 % de ses gènes avec son petit-enfant (en moyenne 25 %). Le lien génétique le plus fort se constitue entre la grand-mère paternelle et sa petite-fille (l’un des X de celle-ci provient nécessairement du père), le plus faible avec son petit-fils (dont le X unique peut provenir de la mère, et donc être non-apparenté à la grand-mère).

Pour valider ou invalider cette conjecture, les chercheurs ont analysé les données historiques de sept pays, aussi différents que l’Angleterre, le Japon ou l’Éthiopie, remontant parfois jusqu’au XVIIe siècle. Résultat : ils montrent qu’en moyenne et dans les sept pays, la probabilité de survie des petits-enfants est conforme à la probabilité de proximité génétique d’avec la lignée grand-maternelle (c’est-à-dire : investissement maximal pour une grand-mère paternelle et sa petite-fille, minimum pour une grand-mère paternelle et son petit-fils, intermédiaire pour les autres cas).

Les traditionnelles disputes des parents sur les parti-pris de leur belle-mère auraient-elles trouvé leur explication?

Référence : Fox M et al (2009), Grandma plays favourites: X-chromosome relatedness and sex-specific childhood mortality, Proc Roy Soc B Biol Sci, e-pub, doi: 10.1098/rspb.2009.1660

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