jeudi 30 octobre 2003

Sexe et empathie


Et si les femmes étaient plus sociables que les hommes ? C’est la thèse soutenue par Simon Baron-Cohen dans un ouvrage consacré aux différences cérébrales et comportementales entre les sexes.

La sociabilité et l’empathie (« comportement prosocial »), c’est-à-dire l’orientation manifestée par un individu envers les autres, est un des domaines les plus étudiés par la psychologie différentielle homme-femme. Les instruments de mesure sont innombrables : durée du contact oculaire, réponse à la détresse des autres, précocité de reconnaissance des visages, temps passé à regarder les autres, premier âge où l’on pointe du doigt, etc. Dans tous ces domaines, les filles sont plus précoces et plus impliquées que les garçons. Dans les jours qui suivent la naissance, on a ainsi relevé que les filles se tournent en moyenne plus souvent vers les visages et vers les voix que les garçons. A l’âge de six mois, elles ont une meilleure mémorisation et reconnaissance des visages déjà rencontrés (dans la vie courante) ou regardés (en expérience), de même qu’elles babillent plus souvent. A l’âge de 12 mois, les filles sont deux fois attentives aux requêtes verbales de leur mère que les garçons, alors que les comportements des deux sexes sont identiques lorsque la mère attire l’attention par un jouet, sans interaction verbale.

Dans son dernier ouvrage, Simon Baron-Cohen, professeur de psychologie et de psychiatrie à l’Université Cambridge, a rassemblé une masse impressionnante de données concernant ces différences homme-femme. Selon lui, le cerveau féminin est (en moyenne) empathique (empathizer) quand le cerveau masculin est systémique (systemizer). Ces différences comportementales possèdent une base génétique et hormonale.L’autisme, maladie caractérisée par l’incapacité à entretenir un rapport à autrui qui frappe surtout les garçons, serait une forme extrême du cerveau masculin.

Références : Simon Baron-Cohen, 2003, The Essential Difference. The Truth about Male and Female Brain, New York, Basic Books.

vendredi 24 octobre 2003

Les femmes préfèrent les grands

Les hommes de petite taille vivent moins souvent en couple que les plus grands, relève un chercheur de l’Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques (INSEE). La taille est aussi corrélée aux ressources.

Selon ce travail, qui s’appuie notamment sur l’Enquête permanente sur les conditions de vie réalisée par l’INSEE en 2001, «la mise en couple est plus précoce pour les hommes de plus grande taille». Chez les plus jeunes (20-29 ans), 41 % des hommes dont la taille va de 1,70 à 1,80 m (taille moyenne) vivent en couple, contre 47 % de ceux qui dépassent 1,80 m (le chiffre n’étant pas significatif en dessous de 170 cm, selon les enquêteurs).

Chez les 30-39 ans, les moyens rattrapent les grands (76 % et 74 % respectivement), mais les petits (moins de 170 cm) ne sont que 60 % vivant en couple. Au fil des ans, les petits rattrapent progressivement les moyens mais l’écart avec les grands perdure pour le taux de vie en couple : de 50 à 59 ans les pourcentages vont crescendo, de 65 % à 79 %, et, après 60 ans, de 72 % à 82 %.

Or, une enquête de 1981 montre qu’il existe une nette différence de taille entre les milieux sociaux, écart qui "n’a pas disparu en 2001 selon l’INSEE : les cadres supérieurs et professions libérales mesurent en moyenne 177,6 cm, soit 3,2 cm de plus que les ouvriers ou exploitants agricoles.

L’auteur de l’article fait l’hypothèse que si les femmes préfèrent comme conjoint un meilleur pourvoyeur de ressources et, si la taille des hommes augmente avec leur statut économique, les grands ont plus de chance d’être en couple que les petits. L’hypothèse selon laquelle la vie en couple varie avec le milieu socioprofessionnel de l’homme n’est que cependant partiellement vérifiée. Si les employés vivent souvent hors couple et les chefs d’entreprise et professions libérales plus souvent en couple, les ouvriers ne sont pas moins souvent en couple que les cadres et les ingénieurs.

Or, si les hommes de petite taille ne se montrent ni moins résistants, ni moins travailleurs que les plus grands, ils font souvent de moins belles carrières professionnelles, affirme le chercheur de l’INSEE : les grands «ne sont pas forcément plus forts physiquement que les petits», mais «leur autorité s’impose plus facilement». 

mercredi 22 octobre 2003

Babouins mâles, papas poules ?

Jason Buchanan, de l’Université Duke à Durham (Caroline du Nord), et ses collègues, ont observé pendant trois ans cinq groupes de babouins cynocéphales ou babouins jaunes (Papio cynocephalus) dans la savane du Parc National d’Amboseli (Kenya) et ses environs. S’il est évidemment facile de faire le lien mère-enfant, il est a priori exclu de savoir lequel des mâles est le père de tel ou tel bébé singe puisqu’une femelle en œstrus copule généralement avec plusieurs partenaires. Cependant, en assistant à des bagarres entre jeunes babouins, les chercheurs ont fini par relever que les mâles volaient toujours au secours des mêmes petits, ce qui leur a mis la puce à l’oreille. Ils ont alors décidé de procéder à des analyses génétiques à partir d’échantillons de matière fécale ou de sang et réussi à identifier les pères de 75 jeunes : les papas poules intervenaient bel et bien en faveur de leur propre progéniture. Les pères de la moitié de ces 75 jeunes étaient toujours présents dans leur groupe lorsque les petits avaient trois ans. Mais comment font-ils pour les reconnaître avec certitude ? Sont-ils à même de distinguer certains traits de leur petit ? Ou se basent-ils sur l’identité de la mère, se souvenant avoir eu avec elle des rapports plus fréquents en essayant de la « monopoliser » pendant sa période de fécondité maximale ? Ou encore repèrent-ils leur petit d’après son odeur ? La réponse définitive sera bien difficile à obtenir. Ce qui est certain dès à présent, c’est que le rôle du père biologique est chez ces primates beaucoup plus important qu’on ne pensait.

mardi 21 octobre 2003

Les secrets du chromosome Y

Faute de pouvoir échanger ses gènes avec un homologue, le chromosome « mâle » Y devrait dégénérer peu à peu dans l’évolution.Mais les scientifiques viennent de découvrir son étonnante capacité à se réparer. Selon certaines théories, le chromosome Y humain, qui ne peut réparer les gènes endommagés comme les autres chromosomes, et a d’ailleurs perdu progressivement plus d’un millier de gènes au cours de l’évolution, serait voué à l’extinction dans quelques millions d’années. «Le chromosome Y est devenu très efficace dans la préservation de ses gènes importants», soutient au contraire Richard Wilson, de l’Université Washington à Saint-Louis (Missouri), co-auteur d’une récente étude avec David Page, de l’Institut de Whitehead, à Cambridge (Massachusetts). Les scientifiques détaillent ainsi la séquence génétique complète du chromosome et expliquent comment il préserve ses gènes vitaux. Tous les autres chromosomes humains, sauf le Y, viennent par paires identiques (un du père et l’autre de la mère) qui peuvent mutuellement se mettre à contribution pour pallier une anomalie. Les échanges entre ces paires semblables permettent un contrôle des mutations indésirables des gènes. Mais, selon les chercheurs, le chromosome Y humain, comme celui du chimpanzé, a trouvé une astuce pour réparer ses gènes en solitaire. Il organiserait de nombreux échanges et recombinaisons d’ADN en son propre sein, faute d’autre partenaire. Le chromosome est porteur de plusieurs copies de secours de ses principaux gènes qu’il exploiterait pour établir des corrections et se délester des mutations les plus menaçantes pour son intégrité. Cependant, cette « réparation » peut être entachée d’erreurs et d’accidents — comme la perte d’une partie de l’information génétique, causes de stérilité masculine.

lundi 20 octobre 2003

Plusieurs ovulations par cycle

Certaines femmes ont la capacité d’ovuler plus d’une fois au cours de leur cycle menstruel, selon les résultats d’une étude menée par des chercheurs canadiens. Cette découverte des chercheurs de l’Université de la Saskatchewan bouleverse l’idée généralement admise selon laquelle les femmes ovulent juste une fois par cycle. Mené sur 63 volontaires ayant un cycle normal, ce travail a montré que certaines femmes connaissent deux à trois périodes de développement folliculaire par mois, même si un seul oeuf est expulsé du follicule lors de l’ovulation. Pour ces femmes, dans l’hypothèse où elles ne souhaitent pas concevoir, « il n’existe aucun moment sûr dans le cycle pour avoir une relation sexuelle, puisqu’il est toujours possible qu’un follicule soit prêt pour l’ovulation », souligne l’un des chercheurs, le Dr Roger Pierson. Jusqu’à 40 % des femmes, estime-t-il, ne pourraient se fier aux méthodes naturelles de planification des naissances. Le biologiste souligne les répercussions que pourra avoir cette découverte « pour les femmes qui prennent des contraceptifs oraux et celles qui suivent des traitements contre l’infertilité. Cette étude démontre que nous n’avons pas entièrement compris les processus biologiques fondamentaux qui surviennent dans le cycle menstruel. Nous devrons littéralement réécrire les manuels de médecine ».

lundi 6 octobre 2003

Jatoba, le Viagra naturel ?

Après le succès commercial des molécules de la performance sexuelle (Viagra, Ixense, Cialis), des chercheurs brésiliens étudient maintenant les propriétés aphrodisiaques de la sève d’un arbre amazonien, le jatoba (Hymenaea courbaril), auquel les paysans attribuent des pouvoirs de stimulation sexuelle, au point de l’avoir surnommé « viagra naturel ».

Les scientifiques de l’Université Fédérale de l’Etat de l’Acre effectuent ces recherches sur le jatoba. «Les connaissances traditionnelles des habitants de la forêt amazonienne attribuent mille qualités au jatoba, telles que d’être énergétique, un stimulant sexuel et même une substance contre le stress». «Nous devons prouver maintenant scientifiquement les propriétés physiques et chimiques» du Jatoba, a déclaré le Pr Andrea Alexandre, du département des sciences agronomiques de cette université. Selon Mme Alexandre, la recherche vise aussi à breveter l’utilisation pharmaceutique de ce viagra naturel en faveur des « seringueiros », forestiers qui récoltent le latex de la région. Au cours des six derniers mois, ils ont récolté 2.500 litres de sève de jatoba.

Le jatoba est un arbre qui produit un bois dur non flottable de cœur brun à rouge à violacé (orange à brun violacé), presque noires avec veines ou sans veines, sans odeur prononcée. Sa répartition géographique va du Mexique et d’Amérique Centrale à l’Amérique du Sud tropicale, en passant par les Caraïbes. Le bois de jatoba est commercialisé notamment sous le nom de courbaril.

Dans le cerveau désirant

Libido en berne ? 15 % des hommes en souffrent et leur cerveau pourrait bien en être le premier responsable.Une corrélation entre le « désir sexuel hypoactif masculin » et le non fonctionnement de certaines zones cérébrales impliquées dans le processus du désir vient en effet d’être mise en évidence par une équipe de l’Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale (INSERM).

Que se passe-t-il au juste dans le cerveau désirant ? Les chercheurs, qui ont travaillé sous la direction d’Yves Burnod, Serge Stoléru et Jérôme Redouté (unité INSERM 483), et leurs collaborateurs du CERMEP (Centre d’Etudes et de Recherches Médicales par Emission de Positons, à Lyon), relèvent que l’inhibition cérébrale observée entraîne un manque d’activation au niveau des régions cérébrales impliquées dans l’imagerie motrice, fonction qui permet une représentation mentale des actions que l’on souhaite accomplir.

« Cette découverte pourrait permettre une meilleure prise en charge de ce trouble, notamment par la psychothérapie », estiment les chercheurs. Selon eux, 1 à 15 % de la population adulte masculine souffrirait d’un désir sexuel diminué, voire absent. Les traitements actuellement utilisés, notamment l’administration de testostérone ou la psychothérapie, sont peu efficaces.

L’équipe de Serge Stoléru avait déjà identifié les zones cérébrales impliquées dans le contrôle du désir sexuel chez les hommes ne présentant pas de trouble clinique de la sexualité. Leurs derniers travaux ont comparé l’activité des différentes régions cérébrales chez des hommes souffrant de désir sexuel hypoactif et des hommes sains.

Pour identifier les zones cérébrales activées, les chercheurs ont utilisé avec leurs collègues du CERMEP une technique d’imagerie fine : la tomographie par émission de positons, qui mesure le flux sanguin dans les différentes régions du cerveau. Sept volontaires souffrant de désir sexuel hypoactif et huit volontaires sains ont ainsi été soumis à des images génératrices de désir sexuel, clips vidéo muets de 3 minutes et trois séries de photographies allant du neutre à l’explicite.

Référence : Mouras H. et al. (2003), Brain processing of visual sexual stimuli in healthy men: a functional magnetic resonance imaging study, Neuroimage, 20 (2), 855-69.