lundi 26 octobre 2009

Addiction à la pornographie : un trouble à visée normative?

Dans la revue trimestrielle Sexologies, F. Voros (EHESS Paris) propose une analyse éclairante sur l’invention de l’addiction à la pornographie. L’auteur observe : «Au moment où un récit de soi de l’« accro au porno » apparaît dans l’espace public à travers des sites Internet et des émissions télévisées, et où cette catégorie intègre le langage ordinaire, l’idée selon laquelle la pornographie serait une drogue, et son usage intensif un état pathologique qu’il serait possible de distinguer d’un état normal, et donc de soigner, divise toujours les professionnels de la santé sexuelle. Si le nombre de publications traitant de la consommation «excessive» et «incontrôlée» de pornographie depuis les perspectives de l’«addiction sexuelle» ou de l’«addiction à Internet» a littéralement explosé outre-atlantique depuis les années 1990, ce nouveau langage médical suscite encore la suspicion de nombreux cliniciens, en France mais également aux États-Unis.»

L’addiction à la pornographie est ainsi une catégorie encore incertaine dont on peut retracer l’histoire : apparition des premières pratiques de prise en charge au sein de groupes de «dépendants à la sexualité» aux États-Unis à la fin des années 1970 ; développement d’une expertise médicale à partir des années 1980 au carrefour de plusieurs disciplines (psychiatrie, psychologie, sexologie, psychanalyse, neurobiologie) et domaines de savoir émergeants (addiction sexuelle, compulsion sexuelle, addiction à Internet) ; puis diffusion médiatique de la notion en France à partir des années 2000.

Comme le souligne l’auteur, l’addiction à la pornographie est sous-tendue par un discours implicitement normatif : «Au-delà des variations dans le discours des différents acteurs impliqués dans la lutte contre l’addiction à la pornographie, l’état de santé sexuelle auquel il est implicitement fait référence consiste en une sexualité relationnelle régulière (mais modérée), s’inscrivant dans une relation de couple durable n’impliquant aucun fantasme pervers (concentration sur l’acte en lui-même), et permettant une vie sociale «réussie». Un enchevêtrement de plusieurs régimes de normativité sexuelle est ainsi impliqué dans la production de cette nouvelle anomalie sexuelle : la norme de «bon fonctionnement sexuel», selon laquelle une sexualité relationnelle régulière, associée à une minimisation de l’autosexualité (perte de l’énergie sexuelle masculine), serait une source d’équilibre psychologique et de performance corporelle ; l’idéal conjugal, selon lequel le seul plaisir sexuel épanouissant est celui qui participe de la construction d’une relation de couple durable ; et enfin la norme hétérosexuelle, puisque l’opposition entre des relations sexuelles «normales» et «saines» (coït hétérosexuel) et des fantasmes pornographiques «extrêmes» ou «pervers» (représentations de viols, d’actes pédophilies, zoophiles… mais aussi des sexualités gay, trans ou SM) ne fait sens qu’au sein d’une vision profondément hétérocentrée de la diversité des genres et des sexualités.»

Référence : Voros F (2009), L’invention de l’addiction à la pornographie, Sexologies, e-pub, doi:10.1016/j.sexol.2009.09.008

2 commentaires:

  1. Bonjour,
    Je me présente, je suis AFREG, je suis le webmaster d’un nouveau site, www.pornodependance.com

    Mon site traite de la dépendance à la pornographie, évoquée dans cet article.

    Selon moi, la surconsommation de pornographie n’est pas sans séquelles. Elle entraîne une véritable addiction, et modifie la perception psychologique qu’ont les dépendants du sexe.

    La pornographie présente également une sexualité violente et phallocratique, niant la dimension affective du sexe.

    Elle s’étend aujourd’hui à travers notre société (cinéma, musique, publicité, magasines), si bien que personne, pas même nos enfants, ne peut y échapper.

    Mon site propose un forum où les dépendants et leurs proches peuvent venir s’exprimer librement. Je souhaite à terme former une véritable communauté de membres désirant s’entraider. Une mise à jour mensuelle est prévue, avec à chaque fois de nouveaux articles.

    En vous remerciant de m'avoir lu!(contact@pornodependance.com)

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  2. Il y n'y a de dépendance qu'à des produits. L'usage du terme addiction tel qu'utilisé actuellement est de sens commun et non scientifique. Les addictologues surfent sur ce créneau pour s'attirer un marché. Entre entrepreneurs de morale et créateurs de marchés à partir de pseudo-concepts. Vous n'êtes ni médecin, ni psychiatre, ni psychologue. alors mettez la en veilleuse. Vos dérives vont aboutir au fascisme. au fait peut-être est-ce que vous voulez ?

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