lundi 31 décembre 2007

L'influence du cycle menstruel sur le cerveau féminin


Quelle influence joue la variation du taux d'œstrogène sur l'activation du cerveau féminin? A l'aide de l'imagerie par résonance magnétique fonctionnelle, Jean-Claude Dreher, chercheur au Centre de neuroscience cognitive (CNRS/Université Lyon 1), en collaboration avec une équipe américaine du National Institute of Mental Health (Bethesda, Maryland) dirigée par Karen Berman, est parvenu à caractériser, pour la première fois, les réseaux cérébraux impliqués dans le traitement de récompenses monétaires qui sont modulés par les hormones stéroïdes gonadiques chez la femme. Publié en ligne le 31 janvier 2007 sur le site de la revue PNAS, ce résultat marque un pas important pour une meilleure compréhension de certaines pathologies psychiatriques et neurologiques.


Le cerveau humain est muni d'un système de récompense, impliqué dans la prédiction de récompenses de différente nature (nourriture, argent, drogues…). Le fonctionnement normal de ce système joue un rôle fondamental dans de nombreux processus cognitifs tels que la motivation et l'apprentissage. Ce système de récompense, composé des neurones dopaminergiques (1) situés dans le mésencéphale (région très profonde du cerveau) et de leurs sites de projection (2), est crucial pour le codage neuronal  des récompenses. Son dysfonctionnement peut produire des troubles comme les addictions et est également impliqué dans différentes pathologies neurologiques et psychiatriques, tels la maladie de Parkinson et les troubles schizophréniques. De très nombreuses études effectuées chez l'animal prouvent que le système dopaminergique (3) est sensible aux hormones stéroïdes gonadiques (œstrogène, progestérone). Un exemple : les rats femelles s'auto-administrent de la cocaïne (drogue qui agit sur le système dopaminergique) à des taux plus importants après administration d'œstrogènes.

Restait donc à explorer, chez l'être humain, l'influence des hormones stéroïdes gonadiques sur l'activation du système de récompense. Mieux connaître cette influence permet de comprendre les différences entre hommes et femmes, observées notamment dans la prévalence de certaines pathologies psychiatriques et dans la vulnérabilité aux drogues (pour lesquelles le système dopaminergique joue un rôle important). On sait par exemple que la réponse des femmes à la cocaïne est plus importante dans la phase folliculaire du cycle menstruel (4) que dans la phase lutéale (5). Par ailleurs, la schizophrénie se déclare plus tardivement chez les femmes que chez les hommes. Ces deux observations montrent que les neurostéroïdes gonadiques (6) modulent le système dopaminergique chez la femme, mais laissent ouverte la question de la modulation du réseau neuronal du système de récompense par ces mêmes hormones.

Pour répondre à cette question, les chercheurs ont mis au point une expérience utilisant l'imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) : l'activité cérébrale d'un groupe de femmes est examinée deux fois au cours de leur cycle menstruel. À chaque passage dans l'IRM, des machines à sous virtuelles, présentant des probabilités de gains différents, leur sont présentées. Lorsque les femmes anticipent des récompenses incertaines, elles activent davantage des régions cérébrales impliquées dans le traitement des émotions, notamment l'amygdale et le cortex orbitofrontal, au cours de la phase folliculaire (4 à 8 jours après le début des règles) qu'au cours de la phase lutéale (6 à10 jours après le pic de l'hormone LH (7)). Ces résultats démontrent une réactivité accrue du système de récompense féminin lors de la phase folliculaire, c'est d'ailleurs la phase où les œstrogènes ne s'opposent pas à la progestérone. Afin de déterminer les différences d'activation du système de récompense entre les deux sexes, la même expérience a été menée chez un groupe masculin. Résultat : lors de l'anticipation de récompenses, les hommes activent essentiellement une région impliquée dans la motivation pour l'obtention de récompenses, le striatum ventral, tandis que chez les femmes, c'est une région traitant les émotions, la région amygdalo-hippocampique, qui est la plus fortement activée.

Ces conclusions pourraient s'appliquer à des domaines autres que monétaires. Prenons l'exemple de la réceptivité et du désir, deux qualités qui sont supposées faciliter la procréation et peuvent apparaître pendant la période ovulatoire. On peut envisager que l'augmentation d'activité de certaines régions du cerveau féminin pendant la phase folliculaire, modulerait les comportements liés à l'obtention de récompenses, tels le comportement d'approche lors de l'anticipation de récompense et le comportement hédonique au moment de sa réception.

À la frontière entre neuroendocrinologie et neurosciences cognitives, ces résultats permettent de mieux comprendre le rôle fondamental des hormones stéroïdes gonadiques sur le traitement de la récompense, plus particulièrement dans les processus comportementaux comme la motivation et l'apprentissage. Ils présentent également un intérêt majeur quant à la compréhension du dysfonctionnement du système de récompense observé notamment dans les cas de maladie de Parkinson, de schizophrénie, de vieillissement normal et d'addictions aux drogues et aux jeux d'argent.

Notes :
(1) La dopamine est un neurotransmetteur, plus précisément une molécule qui module l'activité des neurones dans le cerveau. Les neurones dopaminergiques utilisent la dopamine comme neurotransmetteur/neuromodulateur.
(2) Structures incluant le striatum ventral, le cortex cingulaire antérieur, et le cortex orbitofrontal.
(3) Système dopaminergique : ensemble de structures cérébrales innervées par les neurones dopaminergiques.
(4) Phase folliculaire : première partie du cycle menstruel à partir du premier jour des règles.
(5) Phase lutéale : deuxième partie du cycle qui commence après l'ovulation et se termine à l'arrivée des règles.
(6) Neurostéroïdes gonadiques : hormones stéroïdes produites par les gonades (ovaires ou testicules) qui interagissent avec les récepteurs des œstrogènes, de la progestérone ou des androgènes. Les œstrogènes et la progestérone ne sont pas que des hormones sexuelles influençant l'ovulation et le la reproduction, elles affectent également un grand nombre de fonctions cognitives et affectives.
(7) L'hormone lutéinisante (LH) est une hormone produite par l'hypophyse. Son rôle essentiel est de déclencher l'ovulation qui survient entre 36 et 48 heures après le pic de LH.

Référence : Menstrual cycle phase modulates reward-related neural function in women (2007). J-C Dreher, P.J. Schmidt, P. Kohn, D. Furman, D. Rubinow, K.F. Berman. Proceedings of the National Academy of Sciences USA, on-line publication January 31, 2007.

Source : communiqué presse CNRS

lundi 24 décembre 2007

Pourquoi les chromosomes X doivent savoir compter jusqu'à deux ?

Chez les mammifères, l'existence de chromosomes sexuels de taille différente aurait pu être à l'origine d'une injustice génétique. Le chromosome Y qui caractérise les mâles est de petite taille et contient beaucoup moins de gènes que le chromosome X. Pour éviter une inégalité génétique, les femelles mammifères inactivent un de leur deux chromosomes sexuels au cours de l'embryogenèse. Mais comment se déroule cette extinction, qui ne doit avoir lieu que chez les femelles et au cours de laquelle la cellule doit choisir entre le chromosome X hérité du père et celui hérité de la mère ?


A l'Institut Curie, l'équipe CNRS d'Edith Heard (1)vient de découvrir que, dans un premier temps, une région chromosomique particulière, Xpr, met en contact les chromosomes X et s'assure de leur nombre : s'il y a plus d'un chromosome X, l'un des deux peut être inactivé. Xpr est ainsi le rouage principal de cette étape de vérification, essentielle pour éviter des extinctions intempestives aux conséquences néfastes. Ces résultats sont publiés dans la revue Science du 7 décembre 2007.

Quelle est la différence entre les hommes et les femmes ? Une question qui reste en suspens. Quoi qu’il en soit, le système de détermination sexuelle de la majorité des mammifères est relativement simple : deux chromosomes, les chromosomes sexuels, sont responsables de cette différence. Les mâles ont un chromosome X et un chromosome Y, alors que les femelles ont deux chromosomes X. Et là, il devient évident que les mâles, avec leur chromosome Y beaucoup plus petit que l’X, ont été lésés.

Mais la nature dans sa grande générosité rétablit la parité génétique puisque, chez les femelles, un des chromosomes X est inactivé très tôt au cours du développement de l’embryon. Ce processus entraîne l’extinction de la transcription de la quasi-totalité des 2 000 gènes portés par l’un des deux chromosomes X. Cette volonté d’égalité place la cellule devant un choix cornélien : lequel des deux chromosomes éteindre, sachant que l’un est hérité de la mère et l’autre du père ? Encore une fois l’égalité est de mise puisque, chez les femelles, l'inactivation du X se fait au hasard et aboutit à une mosaïque de populations cellulaires dont certaines expriment l’X maternel et d'autres l’X paternel.

L’équipe CNRS « Epigenèse et développement des mammifères » que dirige Edith Heard à l’Institut Curie étudie ce processus d'inactivation du chromosome X, au cours de l'embryogenèse chez les mammifères femelles, un modèle de choix pour l'étude des changements d'expression des gènes et de l'organisation du noyau lors de la différenciation cellulaire.

Concrètement, chaque chromosome X possède un centre d’inactivation, Xic, chargé de son « extinction » potentielle et ce, grâce à la production d’un ARN non codant, Xist. Mais avant d’initier l’inactivation, la cellule doit d’abord s’assurer qu’elle contient plusieurs chromosomes X, notamment afin d’éviter l’inactivation de l’unique X chez les mâles. Les chercheurs CNRS de l’Institut Curie viennent de montrer comment une des régions du centre d’inactivation, Xpr, gère cette vérification. Dans les cellules embryonnaires femelles étudiées, peu avant la mise en place de l’inactivation, les deux régions Xpr issues du X paternel et maternel, se rencontrent transitoirement dans le noyau. Cette rencontre permet, d’une part à la cellule de détecter la présence de ses deux chromosomes X, mais également à ces derniers, de se prévenir mutuellement de leur présence afin de choisir lequel des deux sera inactivé. L'ARN Xist peut alors s’accumuler sur le chromosome X choisi, et induire son extinction.
Lorsque la région Xpr est introduite dans des lignées cellulaires mâles, les chercheurs constatent d’ailleurs que le seul chromosome X présent est inactivé, ce qui conduit à la mort des cellules. Tout se passe comme si la région Xpr surnuméraire était détectée par la cellule comme un deuxième chromosome X et induisait de ce fait l’inactivation du seul X réellement présent.

Cette rencontre transitoire des Xics est essentielle à l’aspect aléatoire de l’inactivation du X. Ce type d’interaction entre deux locus pourrait en outre représenter un mécanisme général de recensement pour l’ensemble des gènes ne devant être exprimé qu’en une seule copie, soit de manière monoallélique, et choisie de façon aléatoire entre celle d’origine paternelle et maternelle. Ces gènes qu’on pensait peu nombreux représentent en fait 10 % des gènes humains, comme l’a montré une récente étude (2). Ce résultat pourrait avoir des implications importantes en santé publique, car une mutation dans un allèle – une des deux versions du gène présente dans la cellule – peut avoir de graves conséquences si l'autre allèle est déjà éteint.

«La mise en place de ce profil monoallélique aléatoire pourrait reposer sur des mécanismes proches de ceux de l’inactivation du chromosome X» précise Edith Heard. Forts de ce nouveau constat, les chercheurs étudient désormais les liens possibles entre ces deux phénomènes.

Par ailleurs, l’inactivation du chromosome X est un modèle à l’étude de la différenciation cellulaire, mécanisme par lequel la cellule se spécialise. Or, les cellules tumorales suivent un cheminement inverse ; elles oublient les fonctions pour lesquelles elles avaient été programmées. Mieux comprendre le mécanisme d’inactivation du chromosome X peut certainement éclairer sur les dysfonctionnements des cellules tumorales.

Référence :
Sensing X Chromosome Pairs Before X Inactivation via a Novel X-Pairing Region of the Xic, S. Augui, G. Filion, S. Huart, E. Nora, M. Guggiari, M. Maresca, A. F. Stewart, E. Heard, Science, 7 décembre 2007, vol. 318, p. 1632-1636.

Source : communiqué presse du CNRS

dimanche 25 novembre 2007

Chirurgie mammaire, estime de soi et fonction sexuelle


Les femmes qui subissent une augmentation mammaire chirurgicale connaissent un coup de pouce non négligeable dans l'estime de soi et les sentiments positifs au sujet de leur sexualité, selon Cynthia Figueroa-Haas, professeur adjoint d'enseignement clinique à l’Université de Floride où a été menée l'étude. «Beaucoup de personnes, y compris les prestataires de soins, ont des idées préconçues négatives sur ceux qui choisissent de subir une chirurgie plastique, sans en comprendre pleinement les avantages», a déclaré Figueroa-Haas. En 2005, 2,1 millions d’actes chirurgicales esthétiques ont été réalisés, selon l'American Society for Aesthetic Plastic Surgery. Le nombre de procédures d'implantation mammaire à lui seul a augmenté de 476 % entre 2000 et 2007. Plus de 2 millions de femmes américaines ont des implants mammaires, et plus de 360.000 d’entre les y ont recours chaque année.

Figueroa-Haas a étudié 84 femmes âgées 21 à 57 ans, afin d'évaluer leur perception de l'estime de soi et de la sexualité avant et après l'augmentation mammaire. L'amélioration de l'estime de soi et la satisfaction sexuelle étaient corrélées à l’opération. Figueroa-Haas a utilisé deux échelles pour mesurer l'estime de soi et de la sexualité, la Self-Esteem Scale Rosenberg et le Female Sexual Function Index, qui évalue les domaines comme l'excitation sexuelle, la satisfaction, l'expérience et les attitudes. Le score d’estime de soi est passé de 20,7 à 24,9 sur les 30 points de l’échelle de Rosenberg point. Celui de la fonction sexuelle féminine a augmenté de 27,2 à 31,4 points (sur 36). On note aussi des augmentations substantielles dans les scores du désir sexuel (+ 78,6 %), de l'excitation (+81 %) et de la satisfaction (+57 %).

mercredi 12 septembre 2007

Inauguration de l'exposition Amour, guerres et sexualité 1914-1945

Le CNRS vous convie à l'inauguration de l'exposition Amour, guerres et sexualité 1914-1945, jeudi 20 septembre 2007, de 14h à 18h. Initiée par le Musée de l'Armée et le Musée d'Histoire contemporaine – BDIC(1), en collaboration avec le CNRS, cette exposition est présentée à l'Hôtel national des Invalides, 129 rue de Grenelle Paris 7e, du 22 septembre au 31 décembre 2007. Auteurs de l'ouvrage « Hommes et femmes dans la France en Guerre, 1914-1945 »(2) Danièle Voldman(3), François Rouquet(4) et Fabrice Virgili(5), ces trois chercheurs issus de laboratoires CNRS ont participé en tant que commissaires d'exposition, à cette exposition.


Cet événement a pour ambition de présenter un sujet nouveau : à la croisée de l'histoire des guerres et de l'histoire du genre. Il s'agit de comprendre comment et en quoi les deux guerres mondiales ont affecté les relations entre les hommes et les femmes, civils et militaires, au niveau le plus intime, celui du rapport amoureux et de la sexualité. Ce thème est développé à la fois sur le plan des pratiques, des imaginaires et des représentations.

S'aimer, dire et faire l'amour, en temps de conflits, tout est bouleversé. La séparation d'abord, puis les événements militaires et leurs multiples conséquences soumettent l'intimité des couples à rude épreuve et perturbent les pratiques amoureuses et sexuelles. On s'écrit, on fantasme, mais l'absence génère des situations exceptionnelles. La sexualité sous ses formes les plus diverses préoccupe les autorités qui tentent d'en contrôler les pratiques (conjugalité, adultère, homosexualité, prostitution…) ; elle devient une affaire d'Etat.

Malgré la guerre et les difficultés, certains couples parviennent à se retrouver ; d'autres se forment au hasard des déplacements de troupes, des rencontres et des cohabitations, parfois même entre nations ennemies.

La sexualité sert aussi d'arme pour agresser l'ennemi et pénètre au cœur du conflit. Les sévices sexuels sont pratique courante sur les théâtres d'opération, atteignant physiquement et moralement les individus dans leur intimité (viols, mutilations, prostitution forcée, femmes tondues…)

Et lorsque le conflit prend fin, comment l'amour et la sexualité reprennent-ils leur cours ? La guerre imprègne l'identité même des individus, la paix ne permet pas toujours un retour à l'état antérieur.

Informations pratiques :
Horaires d'ouverture : Tous les jours 10h-18h jusqu'au 30 septembre, 10h-17h à partir du 1er octobre.
Fermée le premier lundis de chaque mois, les 1er novembre et 25 décembre.
Tarifs : 6€ tarif plein, 4€ tarif réduit, gratuit - 18 ans
(ce billet ne donne pas accès aux collections permanentes du musée de l'Armée)

Notes :
1) Bibliothèque de documentation internationale contemporaine
2) Luc CAPDEVILA, François ROUQUET, Fabrice VIRGILI, Danièle VOLDMAN, Hommes et femmes dans la France en guerre 1914-1945 Paris, Editions Payot et Rivages, 2003
3) Centre d'histoire sociale du XXe siècle (CNRS, Université Paris 1)
4) Centre de recherches sur l'action publique en Europe (Université Rennes 1, IEP Rennes 1, CNRS)
5) Laboratoire Identités, relations internationales et civilisations de l'Europe (CNRS, Université Paris1, Université Paris 4)

mardi 3 avril 2007

Sexualité de la femme et dysfonction érectile : enquête dans 14 pays

Source : communiqué du 3 avril 2007, d’après une enquête internationale Bayer/Ipsos réalisée auprès de 14 000 femmes. Nota : Cette recherche n’est pas parue dans une revue peer-reviewed.

Bayer HealthCare, fortement impliqué, depuis 2003, dans la prise en charge des troubles de l’érection, s’attache à faire tomber les barrières empêchant les hommes atteints de Dysfonction Erectile (DE) de se prendre en charge pour résoudre leurs difficultés. Le groupe s’est penché, en 2005, sur la sexualité des hommes pour mieux comprendre leurs attentes face à des difficultés sexuelles : l’étude Bayer/Ipsos de 2005 conduite auprès de 8000 hommes, dont 5000 Européens, a fait émerger le profil du «Vitalsexuel», un homme de plus de 40 ans qui refuse la fatalité du vieillissement et qui souhaite satisfaire durablement sa partenaire avec laquelle il vit une relation stable. Il apparaissait qu’avec 60% de Vitalsexuels, les Français se plaçaient nettement en tête du peloton européen.

En 2006, Bayer HealthCare déployait « Dialogues et Confidences », un programme national ayant formé plus de 1000 médecins généralistes sur l’incitation au dialogue avec leur patients atteints de dysfonction érectile et leur partenaire afin de renforcer la communication au sein de la triade : médecin, patient et partenaire. Jerry Hall, mannequin et personnalité emblématique du monde du spectacle et de la mode, en était l’ambassadrice pour Bayer HealthCare.

2007 : La sexualité de la femme moderne
Aujourd’hui, Bayer HealthCare met le projecteur sur « la sexualité de la femme moderne » et dévoile les résultats de la plus importante étude internationale jamais conduite sur ce thème avec l’Institut Ipsos entre mai et juillet 2006, auprès de 14 000 femmes de 18 ans et plus appartenant à 14 pays (France, Allemagne, Espagne, Italie, Pologne, Royaume-Uni, Brésil, Mexique, Venezuela, Turquie, Arabie Saoudite, Corée, Australie  et Afrique du Sud), sur la base d’entretiens téléphoniques ou en face à face. Pour le Docteur Marie-Hélène Colson, Directeur d’Enseignement DIU de Sexologie aux Facultés de Médecine de Marseille et Montpellier, « cette étude très riche conforte les résultats des enquêtes épidémiologiques précédentes et permet de dégager des attitudes très différentes selon les cultures et selon les tranches d’âges des femmes interrogées. Au plan culturel, les différences sont probantes entre l’Europe et l’Amérique Latine, notamment. L’étude révèle aussi qu’en dessous de 35 ans, les femmes privilégient communication et attitude active face aux difficultés sexuelles, tandis qu’au-delà de 50 ans, elles semblent à la fois plus réservées pour en parler avec leur partenaire, et encore trop peu informées sur les possibilités thérapeutiques d’aujourd’hui. »

Les enseignements à tirer de cette étude
• Globalement, 3 femmes sur 4 considèrent la sexualité comme un élément important ou très important du bien-être et de la stabilité de leur couple – 75% en Europe en moyenne et 78% en Amérique Latine -. 29% d’entre elles estiment en outre que la sexualité renforce la relation dans le couple, donne confiance, rassure et leur apporte plaisir physique et détente.

• Elles pensent qu’une plus grande spontanéité (84% des Européennes et 90% des femmes d’Amérique Latine) et une meilleure communication avec leur partenaire (87% des Européennes et 92% des femmes d’Amérique Latine) pourraient améliorer leur vie sexuelle. Les femmes d’Amérique Latine sont globalement plus exigeantes et plus pro-actives que les Européennes, mais c’est en Arabie Saoudite que les femmes semblent rechercher la quasi perfection dans leur vie sexuelle.

• Une femme sur 5 dans le monde reconnaît que son partenaire ou son ancien partenaire a souffert au moins une fois de dysfonction érectile (DE) au cours des 12 derniers mois écoulés. Une femme sur 2 seulement en a parlé avec son partenaire lorsque le problème s’est présenté, alors que 76% d’entre elles sont convaincues des conséquences négatives que peut avoir la DE sur leur vie de couple : cela confirme le manque de communication qui prévaut dans la plupart des couples confrontés à la DE. Les femmes d’Amérique Latine sont plus nombreuses à encourager leurs partenaires à trouver des solutions et à leur conseiller de voir un médecin.

• La perception qu’ont les femmes sur les traitements de la DE varie fortement d’un pays à l’autre. 85% d’entre elles considèrent que la DE peut être facilement traitée par des médicaments en Amérique Latine, contre 54% en Europe. C’est en Arabie Saoudite, que la prise de médicaments ou de traitements semble la plus naturelle.

• Près de 6 femmes sur 10 estiment ne pas être bien informées sur la DE. L’intérêt qu’elles portent à ces médications est également limité, notamment en Europe – 25% des femmes contre 71% en Amérique Latine -. C’est sans doute ce qui explique qu’un peu moins d’une femme sur deux en moyenne dans le monde juge ces médicaments efficaces. En revanche, 72% des femmes dont les partenaires ont suivi un traitement se disent satisfaites de ce traitement.

Spécificités de la femme française
• La femme française de 35 à 44 ans est celle pour laquelle le sexe tient la place la plus importante (88%), plus encore que celle de moins de 35 ans (83%). A l’inverse, au-delà de 55 ans, son degré d’intérêt pour la sexualité chute de manière significative (66% chez les 55- 64 ans, 48% chez les plus de 65 ans).

• Plus elle est jeune, plus elle attache d’importance à la spontanéité pour améliorer sa relation de couple (35% des moins de 35 ans et 26% seulement des 35-44 ans).

• A l’instar de ses voisines européennes, elle accorde une grande importance à la satisfaction de son partenaire (91%) et à la sienne propre (86%) dans l’acte d’amour.

• C’est dans la tranche d’âge 55-64 ans que les femmes françaises sont les plus nombreuses à reconnaître que leur partenaire a rencontré des problèmes d’érection plus d’une fois (33%), vs 25% pour les 45-54 ans. Et la fréquence des problèmes d’érection progresse clairement avec l’âge.

• Et pourtant, l’âge ne figure qu’en 4ème position parmi les causes de DE évoquées par les Françaises, après la maladie, les problèmes psychologiques et le stress. Parmi les plus jeunes, le stress lié au travail et les problèmes psychologiques arrivent en tête.

• Face à une DE, près de 9 femmes françaises sur 10 conseilleraient à leur partenaire de consulter un médecin et près de 7 sur 10 de résoudre le problème à l’aide de traitements.

• Mais on observe une vraie carence d’éducation à la santé en matière de DE en France : en effet, près d’une femme sur 2 dit ne pas avoir entendu parler de médicaments spécifiques pour les problèmes d’érection et un peu plus d’une femme sur deux juge ces médicaments très efficaces ou plutôt efficaces, un pourcentage certes élevé par rapport à l’ensemble de l’Europe (39%), mais inférieur aux résultats obtenus en Amérique Latine (56%) et qui tend à prouver que ces produits ne sont pas encore considérés comme des médicaments à part entière destinés à traiter de vraies pathologies. 40% des Françaises de plus de 40 ans sont des « Vitalsexuelles. C'est-à-dire des femmes qui considèrent :
• la sexualité comme très importante ou assez importante,
• la spontanéité dans la vie sexuelle essentielle ou importante,
• la satisfaction du partenaire sexuel essentielle ou importante
• et qui conseilleraient certainement ou probablement à leur partenaire ayant des problèmes d’érection de rechercher des traitements.
Elles sont moins nombreuses en France que dans l’ensemble de l’Europe (43%), où les variations sont importantes d’un pays à l’autre - Allemagne, 36% ; Espagne, 52% ; Italie, 42% ; Pologne, 58% et Royaume-Uni, 33% - et, a fortiori, qu’en Amérique Latine - 60%, dont 54% au Brésil, 62% au Mexique et 64% au Venezuela -. Parmi les autres pays couverts par l’étude, l’Australie compte 45% de Vitalsexuelles, la Corée 66%, L’Afrique du Sud, 45%, l’Arabie Saoudite, 60%, et la Turquie 30%.
Si l’on compare cette étude à celle réalisée un an auparavant par Bayer/Ipsos auprès de 8000 hommes de 18 ans et plus, on note qu’à l’inverse 60% des Français rentraient dans la catégorie des Vitalsexuels, soit un pourcentage bien plus élevé que celui des Allemands (40%), des Anglais (46%) des Espagnols (37%) ou des Italiens (35%).

A quoi attribuer cette réserve apparente des Françaises?
D’après Patrick Klein, Directeur général d’Ipsos Santé «les Françaises, contrairement à leurs partenaires masculins, semblent mal connaître les traitements existants contre la DE. Les plus de 40 ans sont plus nombreuses à penser que les problèmes d’érection sont avant tout un problème pour l’homme et qu’il suffit d’attendre que cela passe, contrairement à leurs voisines européennes ou aux femmes d’Amérique Latine qui ont un rôle plus proactif dans la résolution des problèmes de DE.» Pour Fabrice Barbu, responsable Marketing Urologie et Anti-Infectieux de Bayer HealthCare Pharma: «Cette nouvelle étude confirme le rôle moteur de la femme dans l’épanouissement du couple et permet de faire émerger de nouvelles attentes aux différentes étapes de la vie des partenaires. Elle souligne aussi le chemin qui reste à parcourir pour mieux informer les hommes et surtout leur partenaire féminine sur l’utilité et l’efficacité des traitements de la DE. Les programmes de formation que nous élaborons à l’intention des médecins généralistes vont dans le sens de l’amélioration de cette information.»

mercredi 7 mars 2007

Premiers résultats de l’enquête CSF « Contexte de la sexualité en France »


L’équipe de recherche
L’enquête « Contexte de la Sexualité en France » a été menée sous la responsabilité scientifique de Nathalie Bajos (Inserm) et de Michel Bozon (Ined), et coordonnée par Nathalie Beltzer (ORS Ile-de-France). Pluridisciplinaire, l’équipe de recherche associe des chercheurs en sociologie, démographie et épidémiologie de l’Inserm, de l’Ined, du CNRS, de l’InVS et de l’Université. L’enquête est réalisée à l’initiative de l’Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales (ANRS).

Rappel sur l’enquête ACSF (1992)
Une première enquête sur les comportements sexuels avait été menée en 1970 auprès de 2 600 personnes. Elle a été suivie en 1992 de l’enquête « Analyse des comportements sexuels en France » (ACSF), menée auprès de 20 000 personnes, sous la responsabilité d’Alfred Spira (Inserm) et coordonnée par Nathalie Bajos (Inserm). L’équipe de recherche comprenait 22 chercheurs de l’Inserm mais aussi de l’Ined, de l’Université et du CNRS. L’enquête, dont nous rappellerons les principaux résultats, avait été financée par l’Agence nationale de recherches sur le Sida (ANRS). Elle avait eu un grand retentissement et donné lieu à de nombreuses publications, qui font encore aujourd’hui référence. Les résultats ont contribué à guider l’élaboration des politiques de prévention de la transmission sexuelle de l’infection à VIH.

Un contexte social et épidémiologique qui s’est profondément transformé depuis les années 1990
Au cours de la décennie 1990, le paysage de la santé publique s’est sensiblement modifié ; les générations qui commencent leur vie sexuelle dans les années 2000 connaissent un contexte profondément différent de celles qui avaient leurs premiers rapports au début des années 90. Les traitements de l’infection à VIH, devenue une maladie chronique, font désormais partie du paysage. La population qui vit avec le VIH tend à vieillir ; pour autant, des contaminations continuent à se produire (6700 en 2005, d’après l’InVS) et l’épidémie affecte de plus en plus des populations précarisées socialement et économiquement. Les homosexuels masculins restent fortement touchés. Les représentations du sida et des risques liés à la sexualité en sont profondément modifiées. Ces évolutions s’accompagnent-elles de changement dans les pratiques préventives, voire d’un relâchement ? Les données actuellement disponibles (enquête KABP 20044, enquête Presse Gay 20045) attestent bien d’une moindre sensibilisation, notamment des jeunes, à l’égard de l’épidémie, mais ne permettent pas d’étudier précisément les pratiques sexuelles et préventives de la population. Pour pouvoir anticiper les évolutions de l’épidémie, il apparaissait important de se donner les moyens d’obtenir des données actualisées sur les comportements sexuels et sur les prises de risque.

Les modifications sociales qu’a connues la société française au cours de cette dernière décennie ne peuvent pas non plus être sans effet sur le contexte de la sexualité. Il faut ainsi prendre en compte la poursuite de l’évolution des structures familiales, les lois sur la parité et leur mise en application, l’apparition du PACS et des débats sur le mariage homosexuel, l’inscription de la question de la violence contre les femmes à l’agenda politique, mais aussi la précarisation de certains groupes sociaux, affectés par le chômage et les difficultés de la vie quotidienne. Une enquête réalisée en Grande Bretagne attestait par exemple de l’influence de l’évolution des structures familiales sur les comportements sexuels et a fortiori sur les prises de risque (Johnson et al, 2001).


L’enquête Contexte de la sexualité en France (2006) : hypothèses et orientations
L’enquête « Contexte de la Sexualité en France » (CSF) a adopté une perspective large. Elle appréhende les trois composantes de la sexualité que sont les actes, les relations et les significations, en les inscrivant à la fois dans les trajectoires individuelles et dans le contexte social. Trois hypothèses centrales ont organisé la recherche :
- (i) les trajectoires sexuelles et conjugales se diversifient (période de jeunesse plus longue, augmentation de la mobilité conjugale, allongement de la vie sexuelle) et les normes s’individualisent, ce qui entraîne une transformation des contextes préventifs.
- (ii) les éléments qui structurent les rapports entre hommes et femmes, en particulier tout ce qui construit une différence de pouvoir entre eux, contribuent à établir un style d’interaction sexuelle et un contexte de gestion du risque et de la prévention, qui ne place pas les partenaires à égalité.
- (iii) le degré de maîtrise que les individus ont de leurs conditions de vie (conditions matérielles, niveau de vie, sociabilité, état de santé) est un facteur déterminant de leur expérience de la sexualité et de leur aptitude à adopter des pratiques préventives.

Dans l’examen des conditions et des conséquences de l’activité sexuelle, une approche de type « Santé et sexualité » a été privilégiée, qui envisage l’infection à VIH mais aussi la contraception, les IVG, les IST (Infections sexuellement transmises), les violences sexuelles, les dysfonctions et autres problèmes sexuels. L’enquête comprend en outre une extension épidémiologique visant à étudier, pour la première fois en France, la prévalence de l’infection à Chlamydiae Trachomatis et les facteurs de risque de la contamination.


Une enquête par téléphone, un échantillon aléatoire

1- Le dispositif
Deux enquêtes pilotes ont été préalablement réalisées en novembre –décembre 2004 et en juin 2005 afin de tester le questionnaire, la formulation des questions, leur enchaînement et la durée.
Le protocole de recueil des données est identique à celui de l’enquête ACSF. Les interviews ont été réalisées par téléphone auprès des personnes âgées de 18 à 69 ans vivant en France métropolitaine et parlant le français.
Une lettre-avis de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, annonçant qu’une personne du foyer serait sélectionnée et interrogée sur la santé et la prévention, a été envoyée quelques jours avant l’enquête. Cette lettre indiquait également que les réponses étaient facultatives et précisait qu’un numéro vert (appel gratuit) était mis à disposition tous les jours de la semaine pour ceux et celles qui souhaitaient davantage d’informations sur le déroulement de l’enquête.

2- Une méthodologie qui a fait ses preuves
La sélection de l’individu repose sur un sondage aléatoire en deux phases avec une post- stratification sur l’âge. La méthodologie proposée s’appuie sur le protocole mis au point dans l’enquête ACSF, qui a été ultérieurement repris dans d’autres enquêtes. Une procédure de tirage complexe a permis de constituer un échantillon de coordonnées téléphoniques couvrant les abonnés inscrits sur liste blanche et sur liste rouge. De plus, pour assurer au maximum la représentativité de l’échantillon total, les personnes qui ne disposaient que de téléphones mobiles ont également été incluses dans l’échantillon.
Les numéros de téléphone étaient composés par un automate d’appel de telle sorte que l’enquêteur ne connaissait pas le numéro appelé et dès la première question du questionnaire cette indication était supprimée du fichier des réponses. En cas d’absence, les numéros de téléphone étaient composés jusqu’à 15 fois tous les jours de la semaine entre 13 et 21 heures et le samedi entre 10 et 16 heures. D’autres plages horaires étaient prévues pour les personnes les plus difficilement joignables. Une fois le ménage joint, la deuxième phase consistait à sélectionner, selon la méthode anniversaire, l’individu à interroger au moment du contact téléphonique parmi l’ensemble des adultes éligibles de 18 à 69 ans habitant ce domicile. Par ailleurs, afin de pouvoir étudier avec plus de précision les comportements de la population la plus exposée ou concernée par les risques sanitaires liés à la sexualité (VIH, IST, grossesses non prévues), ainsi que les conditions d’entrée dans la sexualité, les adultes âgés de moins de 40 ans ont été sur-représentés. Au total, 12 364 individus ont été interrogés, dont 304 qui ne disposaient que d’un téléphone mobile.

3- Un questionnaire détaillé
Le questionnaire explorait les caractéristiques sociales et démographiques des individus et de leurs partenaires, les conditions de vie, les problèmes de santé chronique, les opinions et représentations sur la sexualité, la socialisation à l’adolescence, l’entrée dans la sexualité, la biographie affective entre le premier rapport et la mise en couple, les ruptures survenues dans les cinq dernières années, le nombre de partenaires dans la vie et dans les périodes récentes, les pratiques sexuelles expérimentées, les caractéristiques du dernier rapport sexuel, les rapports sexuels imposés, les échecs de contraception, les troubles de la sexualité et les infections sexuellement transmissibles. L’entretien durait en moyenne 49 minutes. Cette durée était trop longue pour interroger les personnes par téléphone mobile. Une version plus courte de ce questionnaire (environ 19 minutes) a donc été proposée à l’échantillon des personnes détentrices exclusivement de téléphones mobiles ainsi qu’à 1655 abonnés inscrits sur liste blanche et sur liste rouge. La version courte reprend, outre les caractéristiques sociodémographiques et de santé des personnes interrogées, les principaux indicateurs de la biographie sexuelle. A la fin de l’entretien téléphonique, un dépistage par auto-prélèvement urinaire ou génital était systématiquement proposé à toutes les personnes sexuellement actives de moins de 25 ans, aux personnes âgées de 25 à 44 ans qui avaient eu un nouveau partenaire ou plus d’un partenaire dans l’année, ainsi qu’à un groupe témoin du même âge n’ayant pas eu de nouveau partenaire dans l’année. Ce volet complémentaire de l’enquête CSF, appelé NatChla, réalisé sous la responsabilité de Véronique Goulet (InVS) et Josiane Warszawski (Inserm-6 Paris XI), en collaboration avec le Centre National de référence des chlamydiae (Université Bordeaux 2), avait comme objectif principal d’estimer pour la première fois en France la prévalence des infections à Chlamydia trachomatis (CT) dans la population générale adulte.

4- Les enquêteurs
Les entretiens ont été réalisés par 61 enquêteurs (29 femmes et 32 hommes) de l’institut de sondage IPSOS. Ces enquêteurs étaient encadrés par 5 responsables de terrain. Répartis en trois groupes, les enquêteurs ont tous bénéficié, à un mois d’intervalle, d’une formation de deux jours minimum assurée par l’équipe de recherches. Cette formation avait pour objectif de leur présenter le contexte, les objectifs et la méthodologie de l’enquête, de les informer sur le sida et les infections sexuellement transmissibles, et enfin de les familiariser avec le questionnaire. Ils se sont ainsi appropriés le questionnaire en simulant, au moyen de jeux de rôles, des situations plus ou moins complexes. Des réunions avec les enquêteurs et les chercheurs ont été régulièrement organisées pour faire le point sur le déroulement de l’enquête.

5- La collecte des données
Le recueil des données a démarré le 27 septembre 2005 et s’est terminé le 24 mars 2006. Au total, 12 364 questionnaires ont été collectés. Pendant toute cette période, des chercheurs de l’équipe ont été présents quotidiennement, à tour de rôle, au sein de l’institut, afin non seulement de suivre le travail des enquêteurs, mais également de les aider en cas de problème au moment de l’entretien.

6- Bilan de l’enquête : un taux de réponse élevé
L’enquête CSF se caractérise par un taux de réponse particulièrement satisfaisant (74,6 %). Ce bon taux provient d’un faible taux de refus des ménages et des individus à participer à l’enquête. Au moment du contact avec le foyer, seuls 6,1 % des ménages ont refusé de procéder à la sélection de la personne à interroger au sein de leur foyer, empêchant la poursuite du questionnaire. Ensuite, parmi les individus sélectionnés au sein du ménage pour participer à l’enquête, 15,7 % ont refusé de répondre. Enfin 452 personnes seulement ont interrompu le questionnaire avant d’avoir répondu à l’ensemble des questions, soit 3,6 % des questionnaires débutés. Le taux d’abandon est moins élevé pour les questionnaires courts (2 %) que pour les questionnaires longs (3,9 %). Le taux de refus des personnes possédant exclusivement un téléphone portable est plus élevé que celui des personnes interrogées par téléphone fixe, puisque plus d’une sur trois (37,5 %) a refusé de répondre au questionnaire.

Fiabilité des réponses dans les enquêtes sur la sexualité
La fiabilité des réponses est un enjeu central dans toutes les enquêtes scientifiques, en particulier lorsqu’il s’agit de sujets sensibles. L’enquête CSF est la troisième grande recherche nationale qui aborde la sexualité, dans la lignée de l’enquête de 1970 (Simon et coll) et de celle de 1992 (Spira, Bajos et al., cité dans la note 1). Elle s’appuie sur les enseignements méthodologiques de ces recherches et de celles menées à l’étranger sur le même sujet.
Nombre de précautions ont ainsi été prises pour permettre d’obtenir des réponses fiables, c’est-à-dire des réponses qui reflètent les pratiques et opinions des personnes interrogées et non celles qu’elles pensent socialement valorisantes.
En premier lieu, l’anonymat de l’enquête est une condition fondamentale pour que les personnes se sentent véritablement en confiance. Ce point était précisé dans la lettre- annonce, puis expliqué immédiatement par l’enquêteur au moment de l’appel téléphonique et rappelé avant le début des questions sur la vie sexuelle.
En second lieu, la lettre-annonce de l'Inserm indiquait qu’il s’agissait d’une recherche scientifique ayant pour objectif d’aider à mieux définir la prévention. Nombre de personnes sollicitées ont ainsi accepté de contribuer à une entreprise qu’elles percevaient comme utile et compris l’enjeu de donner des réponses précises.
Par ailleurs, les enquêteurs ont tous été formés aux enjeux scientifiques et éthiques de cette recherche par les chercheurs de l’équipe eux-mêmes. Il était demandé à la personne interrogée de bien vouloir s’isoler pour répondre à l’enquête et aucune réponse ne pouvait être interprétable par une tierce personne éventuellement présente au moment de l’entretien (ex : d’accord /...pas du tout d’accord, oui/non/ je ne sais pas, 0/1/2/3 ou plus etc...).
Les analyses menées a posteriori attestent d’une grande cohérence des réponses, pour un même individu tout au long du questionnaire, et au regard des résultats obtenus dans d’autres enquêtes en France et à l’étranger. Les réponses apportées ne sont pas liées aux caractéristiques des enquêteurs.
A la fin de l’entretien téléphonique, les personnes ont déclaré que l’enquête les avait intéressées dans près de 90 % des cas. Le taux d’abandon en cours d’enquête s’est d’ailleurs avéré très faible (3,6 %).


PREMIERS RESULTATS


Age au premier rapport sexuel : une baisse dans les années 2000
L’enquête CSF de 2006 couvre une cinquantaine de générations, des personnes nées dans la seconde moitié des années 1930 à celles qui sont nées dans la seconde moitié des années 1980. En un demi-siècle, l’âge médian6 des hommes au premier rapport sexuel s’est abaissé d’un an et demi (de 18,8 ans pour les générations âgées aujourd’hui de 65 à 69 ans, à 17,2 ans pour les plus jeunes), alors que celui des femmes, initialement beaucoup plus élevé (20,6 ans), a chuté de trois ans (17,6 ans pour les femmes âgées de 18 ou 19 ans). Il en résulte un rapprochement des âges des hommes et des femmes au premier rapport. Alors que chez les plus âgés les femmes connaissaient leur initiation sexuelle deux ans plus tard en moyenne que les hommes, il n’y a plus aujourd’hui que quelques mois de différence (0,4 an). Ce sont les femmes qui ont vécu les plus grands changements, et ils se sont produits dans les années 1960 et dans les années 1970. La baisse de l’âge au premier rapport a donc débuté avant que les moyens de contraception médicale ne se diffusent. On ne peut pas dire non plus que cette baisse ait été un « résultat » du mouvement de 1968. C’est sans doute le contraire : les événements de 1968 ont exprimé des changements qui étaient déjà en train de se produire. Dans les années 1980 et 1990, alors que l’infection à VIH se diffuse, l’âge au premier rapport se stabilise pour les hommes, comme pour les femmes. Enfin, dans les années 2000, une nouvelle tendance à la baisse se dessine, d’abord chez les hommes, puis chez les femmes. On ne peut pas encore dire si elle se poursuivra.

Dans les générations les plus anciennes, les premiers rapports sexuels avaient des significations bien différentes pour les femmes et pour les hommes. Pour les femmes de 60 à 69 ans, 70 % des premiers partenaires étaient ou sont devenus des conjoints. Ce n’était le cas que de 33 % des premières partenaires des hommes du même âge ; celles-ci étaient plus souvent des partenaires occasionnelles. Aujourd’hui les expériences des hommes et des femmes se sont rapprochées, mais ne coïncident toujours pas. Parmi les femmes âgées de 20 à 24 ans, elles ne sont plus que 20 % à avoir eu leur premier rapport avec quelqu’un qui est devenu leur conjoint, mais c’est toujours plus que les hommes (6 % seulement ont vécu en couple avec leur première partenaire).


Une augmentation du nombre de partenaires sexuels des femmes, mais l’écart avec les hommes reste important
Les femmes déclarent avoir eu moins de partenaires au cours de leur vie que les hommes. Ainsi 47,3 % d’entre elles disent avoir eu au moins deux partenaires, contre 70,7 % des hommes. Cette différence femmes/hommes est encore plus marquée pour celles et ceux qui déclarent avoir eu de nombreux partenaires sexuels : 10,9 % des femmes et 35,4 % des hommes déclarent avoir eu au moins 10 partenaires sexuels au cours de leur vie. Il en résulte que les nombres moyens de partenaires sexuels des femmes et des hommes apparaissent très différents : 4,4 pour les femmes versus 11,6 pour les hommes en 2006

Si l’on compare ces résultats avec ceux des enquêtes de 19708 et de 1992, des évolutions sensibles sont enregistrées dans les déclarations des femmes (1,8 en 1970, 3,3 en 1992, 4,4 en 2006) alors que les déclarations des hommes restent stables (11,8 en 1970, 11,0 en 1992 et 11,6 en 2006). Une telle évolution traduit une plus grande facilité aujourd’hui à rapporter une vie sexuelle diversifiée, liée à l’accroissement de l’autonomie sociale des femmes.

De tels écarts entre les femmes et les hommes traduisent avant tout le fait que les hommes comptent généralement l’ensemble de leurs partenaires, alors que la plupart des femmes ne retiennent quant à elles que les partenaires qui ont compté dans leur vie et qui correspondent à ce qu’elles estiment qu’une relation doit être. Ces écarts sont à mettre en perspective avec des représentations sociales fondées sur une dichotomie persistante qui, même si elle est moins marquée qu’il y a quelques années, attribue aux femmes une sexualité cantonnée aux registres de l’affectivité et de la conjugalité et aux hommes une sexualité axée sur le désir et la dimension physique.

Les nombres moyens de partenaires des femmes et des hommes au cours des douze derniers mois s’élèvent respectivement à 1,0 et 1,3. Les femmes rapportent moins que les hommes avoir eu au moins 2 partenaires au cours de la période : 7,1 % des femmes et 12,5 % des hommes. Ces proportions sont les plus élevées aux âges jeunes qui correspondent aux périodes de recherche de partenaires : elles atteignent leur maximum à 18-19 ans pour les femmes (22,3 %) et pour les hommes à 20-24 ans (31,7 %). Au-delà de 25 ans, phase de la vie où la grande majorité des personnes sont en couple, les proportions de personnes qui ont plus d’un partenaire diminuent progressivement et se rapprochent entre femmes et hommes.


Fréquence de l’activité sexuelle : une augmentation chez les femmes de plus de cinquante ans
Interrogés sur la fréquence de leurs rapports au cours des quatre dernières semaines, les femmes et les hommes donnent des réponses très concordantes. Parmi les personnes ayant eu des rapports sexuels dans les 12 derniers mois (87,2 % des femmes et 91,4 % des hommes), le nombre mensuel moyen de rapports est de 8,7 pour les deux sexes. Les résultats sont très voisins de ceux de l'enquête de 1970 et de ceux de 1992. La fréquence des rapports sexuels diminue progressivement à partir de 25 ans chez les femmes et dès 20 ans chez les hommes. Des évolutions sensibles sont enregistrées chez les personnes âgées de plus de 50 ans, en particulier chez les femmes : les femmes en couple de plus de 50 ans n’étaient que 53 % à déclarer une activité sexuelle dans les 12 derniers mois dans l’enquête de 1970, elles étaient 77 % dans l’enquête de 1992 et sont près de 90 % aujourd’hui. La proportion des hommes en couple de plus de 50 ans qui ont une activité sexuelle s’élève également, mais beaucoup moins depuis l’enquête de 1992.

Chez les femmes de plus de 50 ans, la fréquence des rapports sexuels augmente également : alors que dans l’enquête de 1992, les femmes en couple de 50-69 ans déclaraient avoir eu 5,3 rapports par mois, ce chiffre passe à 7,3 aujourd’hui, tandis qu’aucune évolution n’est observée chez les hommes du même âge (7,2 dans les deux enquêtes). L’activité sexuelle des femmes les plus âgées continue ainsi à s’accroître, tendance qui se dessinait dès le début des années 70.

La fréquence des rapports n’est pas liée seulement à l’âge. Elle diminue également lorsque la durée de la relation augmente : de 12 rapports par mois déclarés par les femmes et les hommes dont la relation date de moins de 6 mois, on passe à 8 quand la relation dure depuis plus de 5 ans.

Les périodes sans activité sexuelle sont loin de représenter des phases exceptionnelles. Ainsi, 16 % des femmes et 15 % des hommes en couple depuis plus d’un an rapportent n’avoir eu aucun rapport sexuel pendant au moins trois mois consécutifs lors de l’année qui vient de s’écouler. Quand la relation dure depuis 2-3 ans, 13 % des femmes et 10 % des hommes déclarent ne pas avoir eu de rapports sexuels pendant au moins 3 mois, et 17 % des femmes et 16 % des hommes lorsqu’elle dure depuis plus de 6 ans. Plus la durée de la relation augmente, plus les périodes sans activité sexuelle sont fréquentes.


Homosexualité : augmentation chez les femmes, stabilité chez les hommes
Au total, 4,0 % des femmes et 4,1 % des hommes de 18 à 69 ans déclarent avoir déjà eu des pratiques sexuelles avec un partenaire du même sexe.

Une augmentation est enregistrée chez les femmes (2,6 % chez les femmes de 18-69 ans en 1992) alors que les déclarations sont similaires à celles enregistrées dans l’enquête ACSF pour les hommes (4,1 % chez les hommes de 18-69 ans en 1992). Une telle évolution s’inscrit dans un mouvement général de déclaration d’une activité sexuelle de plus en plus diversifiée des femmes, qui s’observe à travers nombre d’indicateurs.

Comme dans les enquêtes de 1970 et de 1992, celles et ceux qui déclarent avoir eu au moins une fois des pratiques sexuelles avec une personne du même sexe disent également dans leur très grande majorité avoir eu des pratiques sexuelles avec des personnes de l’autre sexe (seuls 0,3 % des femmes et des hommes n’ont eu au cours de leur vie que des pratiques sexuelles avec des personnes du même sexe). Parmi les personnes qui rapportent avoir déjà eu des pratiques homosexuelles, 13,4 % des femmes et 12,4 % des hommes ne rapportent de telles expériences qu’avant l’âge de 18 ans.

Les déclarations de pratiques sexuelles avec une personne du même sexe varient sensiblement selon les générations : les femmes et les hommes nés avant le milieu des années 50 (âgés de plus de 50 ans à l’enquête) déclarent moins souvent avoir vécu ce type d’expérience. L’homosexualité est beaucoup moins acceptée dans ces générations, ce qui affecte la mémoire des expériences vécues et les déclarations. Ces déclarations varient également selon le lieu de résidence. Ainsi, 6,0 % des femmes et 7,5 % des hommes habitant dans l’agglomération parisienne déclarent avoir déjà eu ce type de pratique contre respectivement 3,2 % et 2,9 % pour celles et ceux qui habitent dans des communes rurales. Les pourcentages enregistrés dans l’agglomération parisienne atteignent leur maximum chez les femmes de 40-49 ans (8,1 %) et chez les hommes de 35-39 ans (6,6 %), et plus encore chez les Franciliens de ces âges qui déclarent un niveau d’étude supérieur à Bac +2 (11,4 % et 14,6 % respectivement), ce qui traduit en partie les parcours sociaux particuliers que doivent emprunter les personnes homo-bisexuelles pour vivre dans des environnements plus tolérants.
Une part des personnes qui ont eu des rapports homo-bisexuels dans leur vie n’en n’ont plus actuellement. Ainsi, au cours des 12 derniers mois, seulement 1,0 % des femmes et 1,6 % des hommes déclarent avoir eu des rapports sexuels avec une personne du même sexe. Cependant ces proportions se sont élevées depuis l’enquête de 1992, où elles n’étaient que de 0,4 % et 1,2 % respectivement.

Homosexualité : une acceptation plus forte malgré des résistances
Interrogées sur leurs opinions à l’égard de l’homosexualité, la majorité des personnes considèrent que l’homosexualité est « une sexualité comme une autre ». L’acceptation de l’homosexualité est plus marquée chez les femmes et chez les personnes nées après le milieu des années 50. Les hommes de générations plus anciennes adhèrent davantage à une vision « pathologique » de l’homosexualité et sont 40 % à 60-69 ans à considérer qu’il s’agit d’une sexualité « contre nature ». Cette attitude intolérante est toujours présente chez certains hommes jeunes (21 % des 18-24 ans), bien plus que chez les femmes du même âge (10 %). Cette différence entre hommes et femmes traduit la peur qu’ont certains hommes de voir leur identité masculine remise en cause.

L’acceptation de l’homosexualité reste ainsi problématique dans certains milieux. Si les déclarations de pratiques homosexuelles sont les plus faibles dans les générations 1936-1956 (50-69 ans à l’enquête), c’est aussi parce que les représentations négatives de l’homosexualité sont plus répandues dans ces générations.
Les déclarations d’expériences homosexuelles doivent ainsi être considérées comme des estimations minimales de ces comportements dans la population résidant aujourd’hui en France.

Pratiques sexuelles : convergences et divergences entre femmes et hommes
Si la pénétration vaginale est ou a été pratiquée par tous ceux qui déclarent avoir eu des rapports sexuels, d’autres pratiques sexuelles sont moins courantes, pour diverses raisons. Les individus peuvent appartenir à des générations plus anciennes qui n’avaient pas encore incorporé ces pratiques dans leur répertoire. Ils peuvent inversement être trop jeunes et n’en avoir pas encore fait l’apprentissage. Ils peuvent enfin avoir expérimenté la pratique, mais ne plus la pratiquer (vieillissement, absence de partenaire...). Enfin, ces pratiques peuvent être sous-déclarées par certaines personnes dans une enquête.

Plus de 90 % des hommes disent avoir déjà pratiqué la masturbation, contre seulement 60 % des femmes. Même si les femmes déclarent plus souvent cette pratique que dans l’enquête ACSF (42 % des femmes en 1992 disaient s’être déjà masturbé), la masturbation est encore largement étrangère à l’expérience d’une bonne part des générations anciennes. Par ailleurs, c’est une pratique qui n’entre éventuellement dans le répertoire sexuel des femmes qu’à l’âge adulte : entre 18 et 24 ans, une femme sur deux déclare ne s’être encore jamais masturbé, contre un tiers entre 25 et 49 ans. On arrive alors à la proportion d’une femme sur cinq qui se masturbe régulièrement (dans les douze derniers mois). Pour les hommes en revanche, la masturbation est une sorte de tout premier contact avec la sexualité. Elle est expérimentée assez tôt, de manière à peu près universelle, puisque 90 % des hommes, dans toutes les générations, l’ont pratiquée. Une pratique régulière est présente chez près de la moitié des hommes jusqu’à 40 ans, puis la fréquence baisse avec l’âge.

Les pratiques de sexualité orale, cunnilingus et fellation, sont déclarées dans les mêmes proportions par les femmes et par les hommes. Elles ont connu une diffusion spectaculaire dans les années 1970 et 1980, et celle-ci s’est poursuivie dans les années 1990 et 2000. Ainsi plus de 80 % des femmes déclarent avoir expérimenté ces pratiques, en nette augmentation par rapport à 1992. En 1992, 48 % des femmes de 55 à 69 ans disaient encore n’avoir jamais pratiqué la fellation (enquête ACSF). D’après l’enquête de 2006, la proportion de celles qui l’ignorent n’est plus que de 29 % pour cette tranche d’âge, alors que 30 % disent désormais la pratiquer régulièrement. La proportion de celles qui pratiquent la fellation s’accroît rapidement avec l’âge, et dès 25 ans deux tiers des femmes déclarent une pratique régulière. Les déclarations des hommes sont très proches de celles des femmes, sauf aux âges plus jeunes (les hommes commencent plus tôt) et aux âges plus élevés (plus de femmes que d’hommes n’ont jamais eu d’expérience de la fellation).

Un peu plus fréquent que la fellation, le cunnilingus a été expérimenté par 85 % des hommes et des femmes. Il s’est diffusé parallèlement à la fellation ; entre 25 et 49 ans, 70 % des uns et des autres pratiquent cette activité souvent ou parfois. Fellation et cunnilingus sont devenus une composante très ordinaire du répertoire sexuel.

Ce n’est pas le cas de la pénétration anale. Même si les personnes qui déclarent l’avoir pratiquée au moins une fois dans leur vie sont plus nombreuses qu’elles ne l’étaient dans l’enquête de 1992, elles restent une minorité. En 1992, seulement 24 % des femmes et 30 % des hommes déclaraient en avoir fait l’expérience, alors qu’en 2006, ils sont respectivement 37 % et 45 %. Cette hausse correspond sans doute autant à plus grande facilité à déclarer qu’à une augmentation de fait. Même si elle se diffuse, la sodomie reste une pratique plus occasionnelle que régulière : entre 25 et 49 ans, les femmes sont seulement 12 % à dire qu’elles la pratiquent souvent ou parfois, alors que la proportion d’hommes entre 20 et 49 ans qui la pratiquent régulièrement se situe entre 15 et 18 %. Cette pratique, qui n’est pas ignorée des générations plus anciennes (puisque parmi les personnes de plus de 60 ans, 26 % des femmes et 34 % des hommes l’ont expérimentée), se diffuse lentement, mais sans devenir une composante ordinaire de la sexualité des couples. En témoigne le fait qu’elle est plus difficilement déclarée par les femmes que par les hommes.


Un nouveau scénario, les sites de rencontre sur Internet 
Les nouveaux moyens de communication font désormais partie du scénario des rencontres affectives et sexuelles. Plus de 10 % des personnes interrogées (10 % des femmes, 13 % des hommes) se sont déjà inscrites à des sites de rencontre sur Internet. Dans la mesure où il s’agit d’une nouvelle technologie, autant que d’un mode de rencontre, il n’est pas étonnant de trouver que ce sont les jeunes qui se connectent le plus (près du tiers des jeunes de 18 à 24 ans se sont déjà connectés). Chez les plus jeunes, la proportion de filles qui se connectent est égale à celle des garçons, voire supérieure chez les 18-19 ans (36 % et 24 % respectivement). En revanche, entre 25 et 39 ans, les hommes sont deux fois plus nombreux à se connecter.

Cette participation à des sites de rencontre se prolonge en des rencontres sexuelles : entre 4 et 6 % des femmes de 18 à 34 ans ont déjà eu des rapports avec des partenaires rencontrées par Internet, et chez les hommes entre 7 et 10 % de ceux qui ont entre 18 et 39 ans. Il est vraisemblable que l’usage de ce mode de rencontre va peu à peu s’étendre à des groupes plus âgés, tout en continuant à se diffuser chez les plus jeunes. L’enquête menée en 2006 donne la photographie d’un paysage qui est sans doute appelé à se transformer rapidement.

La diffusion de l’échangisme est à la fois plus modeste et présente un profil différent. Au total, seulement 1,7 % des femmes et 3,6 % des hommes disent avoir fréquenté un lieu échangiste pendant leur vie. Ce ne sont pas les jeunes, mais plutôt des personnes entre 25 et 49 ans qui connaissent cette expérience (2,5 % des femmes et 4,5 % des hommes disent l’avoir fait). La proportion plus élevée d’hommes rappelle que l’échangisme n’est pas seulement une affaire de couples, mais souvent une affaire d’hommes seuls. Il existe un écart important entre la proportion de celles et ceux qui ont fréquenté un lieu échangiste et le nombre de celles et ceux qui ont eu des rapports sexuels avec des partenaires rencontrés dans ces lieux : ainsi seule une visiteuse de lieux échangiste sur trois a eu des rapports sexuels à cette occasion, alors que c’est le cas de trois hommes sur cinq (0,6 % des femmes et 2,2 % des hommes). L’enquête de 1992 comprenait une question sur « l’échange de partenaires entre couples ». A l’époque, 1 % des femmes et 4 % des hommes disaient pratiquer l’échangisme ainsi défini. En 2006, les adeptes de l’échangisme ne sont donc pas plus nombreux que 15 ans auparavant. L’échangisme est resté une pratique très minoritaire.

Le recours à la prostitution ne diminue pas
Le recours à la prostitution ne semble pas être en voie de recul chez les hommes. Selon l’enquête de 1992, 3,3 % des hommes avaient eu un rapport sexuel avec une prostituée dans les 5 ans, et c’est encore le cas de 3,1 % des hommes en 2006. Ce sont toujours les hommes entre 20 et 34 ans qui représentent la plus forte clientèle (près de 5 % des hommes à ces âges). De fortes variations selon l’environnement géographique sont observées : alors que seulement 4 % des hommes de 20 à 34 ans qui demeurent dans des communes de moins de 5000 habitants avaient eu recours à la prostitution dans les 5 ans, c’est le cas de 11,6 % des hommes de cet âge demeurant dans l’agglomération parisienne.
Le taux de recours à la prostitution dans la vie est un cumul de toutes les expériences à divers âges. Après cinquante ans, plus d’un homme sur quatre a eu au moins un rapport sexuel payé dans sa vie. Vu l’importance de la proportion d’hommes jeunes qui recourent à la prostitution, il n’est pas certain que ce chiffre soit amené à baisser rapidement à l’avenir.

Dysfonctions sexuelles : pas si souvent un problème
Les personnes ont été interrogées sur les difficultés qu’elles rencontraient dans leur vie sexuelle. Une minorité de personnes disent avoir rencontré souvent des difficultés au cours des douze derniers mois. Ainsi, à la question « Au cours des 12 derniers mois, avez vous eu une absence ou insuffisance de désir sexuel ? », 6,8% des femmes et 1,9 % des hommes répondent « souvent », et 29 % des femmes et 20,1 % des hommes répondent « parfois ». Si l’on se réfère aux difficultés à atteindre l’orgasme pour les femmes ou aux problèmes d’érection pour les hommes, les tendances sont les mêmes.

Les difficultés qui renvoient à l’absence ou à l’insuffisance de désir sont d’autant plus citées que les personnes sont âgées, tant pour les femmes que pour les hommes. Il en va de même chez les hommes de la difficulté à obtenir une érection (1 % de souvent et 7 % de parfois chez les 18-24 ans contre 6 % de souvent et 30 % de parfois chez les 60-69 ans). En revanche, les difficultés à atteindre l’orgasme sont plus fréquemment déclarées par les femmes jeunes (11,4 % souvent et 22,2 % parfois chez les 18-24 ans) et les femmes plus âgées (13,9 % souvent et 36,8 % souvent chez les 60-69 ans). Ces données traduisent des difficultés liées à l’apprentissage de la sexualité chez les jeunes, et les effets conjugués de la durée de la relation et du vieillissement chez les plus âgés.

Rapporter de telles difficultés ne signifie pas nécessairement qu’elles représentent un véritable problème dans la sexualité des personnes interrogées. Alors qu’entre une personne sur deux et trois personnes sur quatre qui déclarent avoir souvent l’une de ces difficultés estiment que « c’est un problème pour leur sexualité », ce n’est plus le cas que d’une personne sur trois environ parmi celles qui déclarent avoir parfois ce type de difficultés. Ces premiers résultats conduisent à s’interroger sur l’amalgame fréquemment proposé entre les réponses « souvent » et « parfois » car ces réponses semblent bien renvoyer à des enjeux différents.


Le préservatif : une diffusion large, mais encore incomplète
Les jeunes utilisent largement le préservatif à l’entrée dans la sexualité. Ainsi, 89 % des femmes et 88 % des hommes âgés entre 18 et 24 ans ont utilisé un préservatif au premier rapport, alors que ce n’était le cas que de 9,9 % des femmes et 8,3 % des hommes de 60 à 69 ans.

L’utilisation du préservatif au premier rapport est plus faible chez les femmes et les hommes sans diplôme : les femmes entre 18 et 30 ans sans diplôme sont 77,2 % à rapporter avoir utilisé un préservatif contre 85,8 % des diplômées du supérieur, ces chiffres s’élevant respectivement à 78,9 % et 87,9 % chez les hommes.

Contrairement à l’idée répandue selon laquelle les femmes et les hommes qui entrent précocement dans la sexualité adopteraient moins fréquemment des pratiques de prévention, l’utilisation du préservatif au premier rapport varie peu avec l’âge du premier rapport. Seules les personnes qui débutent tardivement leur vie sexuelle (après 20 ans pour les femmes et 19 ans pour les hommes) déclarent moins fréquemment avoir utilisé un préservatif lors de leur premier rapport sexuel. Ainsi, les femmes de moins de 30 ans sont 86 % à avoir utilisé un préservatif lorsque ce premier rapport a eu lieu avant 16 ans, 88,4 % lorsqu’il a lieu entre 16 et 19 ans, alors que celles qui ont commencé leur vie sexuelle à 21 ans ou plus sont 68,2 % à avoir utilisé un préservatif. Ces chiffres s’élèvent respectivement à 80,3 %, 88,4 %, et 74,9 % pour les hommes de moins de 30 ans.

L’utilisation du préservatif est plus fréquente lorsque le premier rapport sexuel a eu lieu après la fin des années 80, attestant d’un succès certain des campagnes de prévention : ainsi 82,5 % des femmes et 87,5 % des hommes ayant eu leur premier rapport après 2000 ont déclaré avoir utilisé un préservatif à ce moment là ; un seuil semble avoir été atteint depuis lors.

L’utilisation du préservatif est loin d’être systématique chez les personnes qui commencent une relation avec un nouveau partenaire ou chez celles qui ont eu au moins deux partenaires dans les douze derniers mois. On observe toutefois que les personnes qui ont eu au moins trois partenaires se protègent davantage que celles qui n’en ont que deux. Par ailleurs l’utilisation du préservatif est plus fréquemment rapportée par les hommes qui ont eu des pratiques homosexuelles que par ceux qui ont eu des pratiques exclusivement hétérosexuelles. Le nombre de partenaires n’est pas à lui seul un indicateur suffisant pour rendre compte du risque d’IST.

Les femmes rapportent une moindre utilisation du préservatif que les hommes lorsqu’elles ont des relations avec de nouveaux partenaires. L’écart entre les déclarations des hommes et des femmes atteste pour partie des difficultés auxquelles sont confrontées certaines femmes à négocier l’utilisation du préservatif, surtout lorsqu’elles vivent une sexualité socialement peu acceptée ou qu’elles perçoivent comme telle.

Une personne sur deux a fait un test de dépistage
Au total, 50,2 % des femmes (28,5 % une fois et 21,7 % plusieurs fois) et 45,2 % des hommes (25,7 % une fois et 19,5 % plusieurs fois) déclarent avoir effectué au moins un test de dépistage du virus du sida au cours de leur vie, soit près de deux fois plus que dans l’enquête de 1992.

Ils sont un peu plus de 11 % à l’avoir fait au cours des douze derniers mois (11,2 % des femmes et 11,5 % des hommes), proportion stable par rapport à 1992 (14 % de femmes et 13 % des hommes). Le recours au test dans l’année est plus fréquent chez les jeunes : 21,1 % des femmes et 17,1 % des hommes âgés entre 18 et 24 ans ont effectué un test dans l’année contre 3,2 % et 6,4 % de ceux de 50 à 69 ans. Les personnes qui ont eu plusieurs partenaires dans les douze mois sont plus nombreuses à avoir effectué un test dans l’année que celles qui n’ont qu’un seul partenaire.

Les jeunes générations connaissent moins de personnes séropositives
Parmi les personnes interrogées, 13,1 % déclarent (13,4 % des femmes et 12,8 % des hommes) connaître personnellement une ou plusieurs personnes séropositives, proportion identique à celle observée dans l’enquête de 1992. En revanche, alors que les personnes interrogées il y a 15 ans déclaraient dans 94 % des cas qu’il s’agissait d’une connaissance proche, c’est-à-dire un parent, un ami, un collègue de travail, un partenaire sexuel ou un ancien partenaire, elles ne sont plus que 63 % en 2006. Ces données confirment la moindre visibilité sociale du sida, déjà soulignée dans les précédentes enquêtes sur les connaissances, attitudes, croyances et pratiques face au sida (notamment l’enquête ANRS-KABP de 2004). Ce sont les personnes des générations entre 25 et 49 ans qui sont les plus nombreuses à déclarer connaître une personne séropositive : elles sont un peu plus de 15 % dans ce cas, alors que seulement 9,5 % des femmes et 8,2 % des hommes de 18-24 ans disent en connaître. La proximité subjective à l’égard de la maladie est fortement liée à la perception d’un risque personnel de contamination par le virus du sida : les femmes et les hommes qui connaissent une personne séropositive sont en effet plus nombreux à déclarer avoir déjà craint d’avoir déjà été contaminés. Et les jeunes, moins nombreux à penser connaître une personne contaminée, sont aussi aujourd’hui moins nombreux que leurs aînés à déclarer craindre d’avoir déjà été contaminés par le virus du sida.

L’infection à Chlamydia Trachomatis : une infection sous-dépistée
L'infection à Chlamydia trachomatis est la plus fréquente des infections sexuellement transmissibles bactériennes et représente la première cause d’infertilité tubaire. Cette infection est très souvent asymptomatique chez l'homme comme chez la femme ; en l'absence de traitement, les individus peuvent être porteurs de Chlamydia trachomatis pendant plusieurs semaines, voire plusieurs mois pour les femmes. Du fait de son caractère asymptomatique, cette infection est le plus souvent non diagnostiquée et non traitée, alors qu’il existe un traitement simple. Afin d'estimer la prévalence de cette infection en population générale et de rechercher des critères permettant d'identifier les personnes ayant une infection asymptomatique, un dépistage de l'infection à Chlamydia trachomatis a été proposé à un sous- échantillon de personnes de 18-44 ans. 52 % des personnes sollicitées ont eu ce dépistage en envoyant un prélèvement réalisé à domicile au laboratoire du Centre National de Référence des Chlamydiae.

La prévalence sur l'ensemble de la population des 18-44 ans est de 1,5 % (IC95 % :1,0- 2,1). Elle est trois plus élevée que la proportion d’antécédents d’infection à Chlamydia trachomatis rapportés spontanément au cours des 5 dernières années par les personnes interrogées, soulignant l’importance du sous-dépistage. Chez les femmes, la prévalence est maximale chez les jeunes de 18-24 ans (3,6 %), diminue chez les 25-29 ans (2,6 %) et est très faible à partir de 30 ans (0,5 % chez les 30-44 ans). Chez les hommes, elle est un peu plus faible que chez les femmes entre 18-24 ans, atteint le même niveau entre 25 et 29 ans (2,6 %), et diminue ensuite, tout en restant un peu plus élevée que celle des femmes entre 30-34 ans. Au-delà de 35 ans, elle est très faible chez les femmes et chez les hommes.

La prévalence de l'infection à Chlamydia trachomatis est associée au fait d'avoir eu plusieurs partenaires ou un nouveau partenaire sexuel dans les 12 derniers mois. Ce critère est classiquement utilisé pour déterminer les personnes à qui proposer un dépistage systématique de cette infection. Néanmoins, parmi les individus porteurs de Chlamydia trachomatis d’après le test effectué dans le cadre de l’enquête CSF, 44 % des femmes et 26 % des hommes ne présentaient pas ce critère. Chez les personnes qui n’ont eu qu’un partenaire dans les 12 mois et n'ayant pas eu de nouveau partenaire, l’infection a pu être transmise soit par le partenaire, lui–même l'ayant acquis lors de relations avec d'autres partenaires, soit il y a plus d'un an par un autre partenaire et avoir persisté de façon latente dans les voies uro-génitales. Cette persistance prolongée est plus fréquente chez les femmes, ce qui peut expliquer en partie la proportion plus élevée de femmes que d'hommes ayant cette infection en l'absence de facteurs de risque habituels (plusieurs partenaires ou un nouveau partenaire).

Il faut par ailleurs souligner que 90 % des antécédents d’IST rapportés ont été diagnostiqués par des médecins exerçant dans le secteur libéral. A l’occasion de ce diagnostic, la proportion de personnes qui ont parlé de cette infection à leur partenaire sexuel est plus faible chez les hommes que chez les femmes.

Divergences dans les représentations de la sexualité au féminin et au masculin

Des transformations sensibles se dessinent au cours de ces dernières décennies dans les représentations de la sexualité, de plus en plus distinguée de ses enjeux de procréation. Toutefois, ces représentations continuent toujours à se conjuguer différemment au masculin et au féminin. L’évolution apparaît complexe, traduisant dans certains cas un rapprochement des positionnements des hommes et des femmes au fil des générations, dans d’autres un maintien, voire une accentuation des divergences entre les femmes et les hommes les plus jeunes. Les femmes les plus âgées, qui déclarent, comme on l’a vu précédemment, une vie sexuelle plus diversifiée que leurs homologues des générations plus anciennes, restent toutefois peu nombreuses à envisager la sexualité en dehors du cadre d’une relation amoureuse. Les femmes de moins de 50 ans, qui ont débuté leur vie sexuelle alors que la contraception médicale se diffusait, dissocient à peine plus que leurs aînées les enjeux sexuels des enjeux affectifs et sont beaucoup moins nombreuses que les hommes à considérer « que l’on peut avoir des rapports sexuels avec quelqu’un sans l’aimer ». Alors qu’au fil des générations les hommes séparent de plus en plus sexualité et affectivité, les positions féminines évoluent peu, traduisant la pérennité de l’injonction sociale à une inscription de la sexualité dans la vie conjugale. Il en résulte que l’écart entre les déclarations des femmes et des hommes se creuse et une forte différence de point de vue est enregistrée chez les plus jeunes : les hommes de 18 à 24 ans sont deux fois plus nombreux que les femmes à considérer que l’on peut avoir des rapports sexuels avec quelqu’un sans l’aimer (57 % contre 28%). 

Ces divergences s’inscrivent dans une vision du monde qui voit dans la biologie la cause essentielle des différences hommes/femmes en matière de sexualité. Cette vision du monde s’exprime d’ailleurs souvent dans une psychologie qui se fonde sur les différences biologiques. Ainsi, les femmes et, dans une moindre mesure, les hommes adhèrent majoritairement à l’idée selon laquelle les hommes auraient « par nature plus de besoins sexuels que les femmes » (75 % des femmes et 62 % des hommes). Cette idée l’emporte dans tous les groupes d’âge, et n’est qu’un peu moins présente chez les jeunes de 18 à 24 ans, parmi les femmes comme parmi les hommes.

Ces représentations rendent compte de la place, différente selon le sexe, que la sexualité occupe dans la vie des individus. À tous les âges de la vie, elle apparaît plus indispensable aux hommes qu’aux femmes (43 % pour les hommes et 31 % pour les femmes), qui la considèrent plus souvent importante mais pas indispensable (55 % pour les femmes et 49 % pour les hommes). Chez les hommes comme chez les femmes, c’est entre 25 et 50 ans que la sexualité apparaît le plus indispensable. C’est en tout début de vie sexuelle, mais surtout dans les générations âgées de plus de 50 ans que la sexualité apparaît le moins souvent indispensable. Les différences de positionnement entre les femmes et les hommes sont moins marquées dans les jeunes générations : tandis que les femmes de 60-69 ans sont deux fois plus nombreuses que les hommes du même âge à considérer que la sexualité n’est pas importante dans leur équilibre personnel (37 % versus 18 %), les jeunes femmes et hommes de 18-24 ans ne partagent une telle conception que dans 12 % des cas.

Ainsi donc, en dépit de certaines évolutions, les représentations de la sexualité restent marquées par un clivage qui continue d’opposer une sexualité féminine pensée prioritairement dans le registre de l’affectivité et de la conjugalité, à une sexualité masculine pensée majoritairement dans le registre des besoins naturels et du plaisir. Et un tel clivage semble appelé à perdurer tant il renvoie toujours in fine à une différence femmes-hommes pensée comme un fait de nature, particulièrement en matière de sexualité.

En guise de conclusion
Les premiers résultats de l’enquête CSF portent la marque des évolutions de la société française au cours de ces dernières décennies, notamment la poursuite de la transformation des structures familiales, l’augmentation de l’autonomie sociale et économique des femmes, le renforcement de la norme d’égalité entre les sexes, et la précarisation de certains groupes sociaux. Le développement de l'épidémie de sida depuis le début des années 80, avec la diffusion des traitements dans la seconde moitié de la décennie 1990, a également induit d’importantes modifications du contexte de la sexualité.

Les tendances esquissées depuis les années 70 se prolongent : alors que nombre d’indicateurs d’activité sexuelle restent relativement stables chez les hommes, les déclarations des femmes attestent d’une évolution continue dans le sens d’une vie sexuelle de plus en plus diversifiée (hausse du nombre de partenaires déclarés, des rapports avec des personnes du même sexe, élargissement du répertoire des pratiques sexuelles, augmentation de l’activité sexuelle chez les femmes de plus de cinquante ans). Ces rapprochements entre femmes et hommes ne sont pas propres à la France. Au Royaume-Uni, qui a mené une grande enquête sur les comportements sexuels en 2000, les évolutions dans les déclarations des femmes vont dans le même sens qu’en France, avec notamment une augmentation marquée des nombres de partenaires déclarés, ou de la proportion de femmes qui disent avoir eu des rapports homosexuels.

Si l’importance que les individus accordent au fait d’avoir une vie sexuelle a augmenté depuis les années 1970, la place et le sens attribués à la sexualité continuent à se conjuguer de manière très différente au féminin et au masculin. Les écarts entre les hommes et les femmes se réduisent mais attestent toujours d’un clivage entre une sexualité féminine, qui ne serait pensable qu’en référence à l’affectivité et à la conjugalité, et une sexualité masculine, dont la diversité et la dimension physique apparaîtraient comme des caractéristiques intangibles. Alors que les comportements sexuels se rapprochent et que l’aspiration à l’égalité n’a jamais été aussi forte, de nouvelles tensions entre pratiques et représentations sociales se font ainsi jour. Il importe de comprendre la manière dont les individus les gèrent.

Ces différences persistantes entre les pratiques et les représentations de la sexualité des femmes et des hommes, enregistrées dans l’enquête CSF, se retrouvent dans tous les pays du monde10, qu’il s’agisse par exemple des conditions d’entrée dans la sexualité ou du nombre de partenaires. Elles apparaissent d’autant plus marquées que le statut social des femmes est plus bas. Les différences de pouvoir entre hommes et femmes et la stigmatisation de l’activité sexuelle des jeunes femmes dans de nombreux pays contribuent à peser sur leur aptitude à adopter des pratiques préventives.

L’enquête CSF confirme que l’utilisation du préservatif au premier rapport sexuel a connu une augmentation spectaculaire depuis le début des campagnes de prévention. Sa diffusion a apparemment atteint un seuil depuis les années 2000. Certains groupes sociaux semblent rester à l’écart de ce recours massif au préservatif, telles les jeunes femmes sans diplôme, alors même qu’elles sont particulièrement concernées par les infections sexuellement transmissibles. L’enquête montre aussi que les pratiques préventives restent insuffisantes parmi les personnes qui ont eu un nouveau partenaire ou plusieurs partenaires dans les douze derniers mois.

Les premiers résultats de l’enquête CSF attestent d’évolutions qui sont complexes à saisir. Des transformations se sont produites que l’on pouvait prévoir (activité sexuelle des femmes, Internet etc.) tandis que des permanences sont enregistrées là où l’on pouvait s’attendre à plus de changements (représentations de la sexualité, prostitution etc.). Pour comprendre la logique de tous ces comportements, il faut les rapporter aux conditions de vie des personnes, aux types de relations qu’elles nouent, aux caractéristiques des partenaires qu’elles rencontrent. De nombreuses analyses sont donc en cours, qui permettront d’approfondir l’étude des conditions d’entrée dans la sexualité, les parcours affectifs et sexuels, les suites des ruptures, la diffusion de la pornographie, les liens entre sexualité et maladies, les pratiques de prévention, les normes et représentations de la sexualité et les tensions éventuelles avec les pratiques réelles, la situation des personnes sans activité sexuelle, le vieillissement sexuel, la vie sexuelle selon le milieu social etc. Ces analyses seront publiées à la fin de l’année 2007 dans un ouvrage à paraître aux Editions la Découverte, ainsi que dans des articles scientifiques.

Source : dossier de presse Inserm.