A l'opposé de l’adage populaire, les chercheurs ont observé que les contraires ne s’attirent pas spécialement. Les liaisons durables entre humains montrent plutôt une tendance à l’endogamie et l’homogamie, que l’on nomme assortative mating (appariement assorti). En règle générale, et par rapport à des unions qui se feraient totalement au hasard dans une population, les études de sociologie comme de psychologie ou de biologie concluent que les époux tendent à se ressembler par de nombreux facteurs : le milieu socio-économique, le niveau d'éducation, la race, le QI, la personnalité, la taille, les convictions morales et politiques.
Une étude menée sur 174 paires de vrais jumeaux, 148 paires de faux jumeaux, 322 couples, 563 amis avait quantifié ces similarités (Rushton et Bons 2005). Pour les personnes mariées, la plus forte corrélation concerne le travail (0,74), suivi par les idées politiques (0,60), le niveau d’éducation (0,55), le revenu (0,43), la religion (0,41). Les facteurs physiques (taille et poids) sont positivement corrélés, mais dans une moindre mesure (0,21 et 0,25), bien qu’ils aient une base génétique très forte. Les traits psychologiques comme l’extraversion ou la névrose sont encore moins associés chez les époux (0,06 et 0,01).
Ce dernier point relatif à la personnalité a cependant fait l’objet de résultats contradictoires : Beatrice Rammstedt et Jürgen Schupp se sont donnés pour objectif de le mesurer plus précisément à travers l’analyse de la personnalité de 6.909 couples allemands. Les chercheurs ont utilisé comme critère les « Big Five », c’est-à-dire les cinq traits de personnalité faisant l’objet d’un consensus en psychologie : ouverture à l'expérience (O), caractère consciencieux (C), extraversion (E), caractère agréable ou agréabilité (A), névrosisme ou neuroticisme (N), soit le modèle OCEAN. Leurs conclusions rejoignent celles de Rushton et Bons pour l’extraversion et l’instabilité émotionnelle (névrosisme), dont la corrélation est nulle pour les époux. En revanche, les trois autres traits montrent une corrélation positive moyenne de 0,30 ; et celle-ci a tendance à se renforcer à mesure que dure l’union (de 0,22 à 0,40).
L’assortative mating est intéressant car cette « discrimination spontanée » forme l’une des bases de la différenciation humaine dans l’évolution : même au sein d’une population pan-mictique (sans frontière géographique), le biais statistique en faveur de conjoints ayant des traits similaires aux siens renforce la probabilité que les descendants portent ces traits (s’ils sont héritables) et choisissent à leur tour des partenaires plutôt semblables. (Notons que le phénomène est cependant contrarié par une autre tendance statistique, la régression vers la moyenne des traits complexes). Du point de vue de cet assortative mating, le mariage moderne fondé sur l’amour (et non plus l’intérêt des familles) dans le cadre d’une mobilité individuelle et d’une communication interindividuelle accrues représente une expérience évolutive intéressante, dont il est bien sûr trop tôt pour tirer des observations. Vers quel équilibre partiel ou général tendra ce marché sexuel en cours d’émergence ?
Références :
Rushton P.J., T.A. Bons (2005), Mate choice and friendship in twins : evidence for genetic similarity, Psychol. Sci., 16, 7, 555-59.
Rammstedt B., J. Schupp (2008), Only the congruent survive – Personality similarities in couples, Personality and Individual Differences, online pub., doi:10.1016/j.paid.2008.06.007
mercredi 6 août 2008
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