vendredi 16 janvier 1998

psychopathia sexualis, Krafft-Ebing, III (D), Névroses cérébrales (1A) Masochisme (C) Actes malpropres


Psychopathia Sexualis
avec recherches spéciales sur l'inversion sexuelle
Richard von Krafft-Ebing
Trad: Emile Laurent et Sigismond Csapo
Ed. Georges Carré, Paris, 1896

Source : Project Gutenberg
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III
NEVROSES CEREBRALES


I.--AFFECTION SEXUELLE POUR DES PERSONNES DE L'AUTRE SEXE AVEC MANIFESTATION PERVERSE DE L'INSTINCT.

MASOCHISME OU EMPLOI DE LA CRUAUTÉ ET DE LA VIOLENCE SUR SOI-MÊME POUR PROVOQUER LA VOLUPTÉ.

C.—ACTES MALPROPRES COMMIS DANS LE BUT DE S'HUMILIER ET DE SE PROCURER UNE SATISFACTION SEXUELLE.—MASOCHISME LARVÉ

On a constaté de nombreux exemples d'hommes pervers dont l'excitation sexuelle, était produite par les sécrétions ou même par les excréments des femmes, qu'ils cherchent à toucher.

Ces cas ont probablement toujours comme base un penchant obscur au masochisme, avec recherche de la plus basse humiliation de soi-même et efforts pour y arriver.

Cette corrélation se dégage nettement des aveux faits par des personnes atteintes de cette hideuse perversion. L'observation qu'on va lire plus loin et qui concerne un individu atteint d'inversion sexuelle, est très instructive sous ce rapport.

Le sujet de cette observation ne s'extasie pas seulement à l'idée d'être l'esclave de l'homme aimé, invoquant pour cela le roman La Vénus à la fourrure de Sacher-Masoch, sed etiam sibi fingit amatum poscere ut crepidas sudore diffluentes olfaciat ejusque stercore vescatur. Deinde narrat, quia non habeat, quæ confingat et exoptet, eorum loco suas crepidas sudore infectas olfacere suoque stercore vesci, inter quæ facta pene erecto se voluptate perturbari semenque ejaculari.

La signification masochiste des actes dégoûtants existe encore clairement dans le cas suivant qu'un collègue m'a communiqué.

    Observation 68.—H.-R. G..., propriétaire, major en retraite, qui est mort à l'âge de soixante ans, est issu d'une famille où la légèreté, les dettes et le relâchement des idées éthiques sont héréditaires. Dès sa jeunesse, il s'adonna aux débauches les plus folles. Il était connu comme organisateur «des bals de nu». D'un caractère brutal et cynique, mais sévère et exact dans son service militaire qu'il a dû quitter pour une affaire malpropre qui n'a jamais été divulguée, il vécut en particulier pendant dix-sept ans. Insouciant de l'administration de sa fortune, il s'introduisait partout comme viveur; mais on l'évitait à cause de sa lascivité. Malgré sa brusquerie, on lui fit sentir qu'il était mis au ban de la bonne société. Voilà ce qui le décida à fréquenter ensuite de préférence le monde commun des cochers, des ouvriers et le «zinc» des cabarets. On n'a pu établir s'il avait des rapports sexuels avec des hommes; mais il est bien certain que, même à un âge avancé, il organisait avec un monde très mélangé des symposies, et, jusqu'à la fin de ses jours, il garda la réputation d'un débauché.

    Dans les dernières années de sa vie, il avait pris l'habitude de stationner le soir, près des maisons en construction; il choisissait, parmi les ouvriers qui quittaient le bâtiment, les plus sales et les invitait à l'accompagner.

    Il est bien établi qu'il faisait déshabiller ces journaliers, qu'il leur suçait ensuite l'orteil, et que, par ce procédé, il réveillait son libido qu'il satisfaisait ensuite.

Cantarano a publié aussi dans La Psichiatria (V. Année, p. 207) une observation d'un individu qui, avant de pratiquer le coït, et pour la même raison, suçait et mordait l'orteil de la puella qui depuis longtemps n'avait pas été lavé.

J'ai connu plusieurs cas où en dehors d'autres actes masochistes (mauvais traitements, humiliations), les malades s'adonnaient à ces penchants dégoûtants, et les dépositions faites par ces individus mêmes ne laissent plus subsister aucun doute sur la signification de ces actes malpropres. De pareils faits nous aident à comprendre d'autres cas qui, si on ne les envisageait pas dans leurs associations avec le penchant masochiste à l'humiliation, deviendraient absolument inexplicables57.

    Note 57:
    Il y a, dans ces cas, analogie avec les excès du délire religieux. L'extatique religieuse Antoinette Bouvignon de la Porte mélangeait sa nourriture avec des excréments afin de se mortifier (Zimmermann, op. cit., p. 124). Marie Alacoque, béatifiée depuis, léchait, pour sa mortification, les déjections des malades et suçait leurs orteils couverts de plaies.

Il est cependant vraisemblable que l'individu pervers n'a pas conscience de la vraie signification de ce penchant, et qu'il ne se rend compte que de son envie pour les choses dégoûtantes. Par conséquent, là aussi il y a masochisme larvé.

À cette catégorie de pervertis appartiennent d'autres cas observés par Cantarano (mictio et dans un autre cas même defæcatio puellæ ad linguam viri ante actum, usage d'aliments à odeur fécale pour être puissant), et enfin le cas suivant qui m'a été également communiqué par un médecin.

    Observation 69.—Un prince russe très décrépit a fait déféquer sa maîtresse sur sa poitrine; elle dut s'accroupir au-dessus de lui en lui tournant le dos. De cette manière, il a pu réveiller les restes de son libido.

    Un autre entretient très généreusement une maîtresse, à la condition qu'elle mange exclusivement du pain d'épice. Ut libidinosus fiat et ejaculare possit, excrementa feminæ ore excipit. Un médecin brésilien m'a raconté plusieurs cas de defæcatio feminæ in os viri qui sont parvenus à sa connaissance.

De pareils faits arrivent partout et ne sont pas rares. Toutes les sécrétions possibles, la salive, la mucosité nasale et même le cérumen des oreilles sont employés dans ce but et avalés avec avidité, oscula ad nates et même ad anum. (Le Dr Moll, op. cit., p. 135, rapporte des faits analogues chez les homosexuels). Le désir pervers très répandu de pratiquer le cunnilungus provient peut-être souvent de velléités masochistes.

Pelanda (Archivio di Psichiatria X, fascicolo 3-4) rapporte le fait suivant.

    Observation 70.—W..., quarante-cinq ans, taré, était, dès l'âge de huit ans, adonné à la masturbation. A decimo sexto anno libidines suas bibendo recentem feminarum urinam satiavit. Tanta erat voluptas urinam bibentis ut nec aliquid olfaceret nec saperet, hæc faciens. Après l'avoir bu, il éprouvait toujours du dégoût, avait mal au cœur et se jurait de ne plus recommencer. Une seule fois il éprouva le même plaisir en buvant l'urine d'un garçon de neuf ans, avec lequel il s'était livré une fois à la fellatio. Le malade est atteint de délire épileptique.

Les faits cités dans ce groupe sont en parfaite opposition avec ceux du groupe des sadistes.

Il faut classer dans cette catégorie les faits plus anciens que Tardieu (Étude médico-légale sur les attentats aux mœurs, p. 206) avait déjà observés chez des individus séniles. Il décrit comme «renifleurs» ceux qui in secretos locos nimirum theatrorum posticos convenientes quo complures feminæ ad micturiendum festinant, per nares urinali odore excitati, illico se invicem polluunt.

Les «stercoraires» dont parle Taxil (La prostitution contemporaine) sont uniques dans ce genre.

Enfin, il faut encore donner place ici au fait suivant qui m'a été communiqué par un médecin.

    Observation 71.—Un notaire, connu dans son entourage comme un original et un misanthrope depuis sa jeunesse et qui, pendant qu'il faisait ses études, était très adonné à l'onanisme, avait l'habitude, comme il le raconte lui-même, de stimuler ses désirs sexuels en prenant un certain nombre de feuilles de papier de latrine dont il s'était servi; il les étalait sur la couverture de son lit, les regardait et reniflait jusqu'à ce que l'érection se produisît, érection dont il se servait ensuite pour accomplir l'acte de la masturbation. Après sa mort, on a trouvé près de son lit un grand panier rempli de ces papiers. Sur chaque feuille, il avait soigneusement noté la date.

    Il s'agit ici probablement d'une évocation imaginaire d'actes accomplis, comme dans les exemples précédents. 

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