jeudi 8 janvier 1998

Psychopathia sexualis, Krafft-Ebing, III (D), Névroses cérébrales (1A) Sadisme (D) Souillures


Psychopathia Sexualis
avec recherches spéciales sur l'inversion sexuelle
Richard von Krafft-Ebing
Trad: Emile Laurent et Sigismond Csapo
Ed. Georges Carré, Paris, 1896

Source : Project Gutenberg
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III
NEVROSES CEREBRALES


I.--AFFECTION SEXUELLE POUR DES PERSONNES DE L'AUTRE SEXE AVEC MANIFESTATION PERVERSE DE L'INSTINCT.

A.--RAPPORTS ENTRE LA CRUAUTÉ ACTIVE, LA VIOLENCE ET LA VOLUPTÉ.--SADISME[27]

D.--PENCHANT À SOUILLER LES FEMMES
Quelquefois l'instinct pervers qui pousse le sadique à blesser les femmes, à les traiter d'une manière humiliante et avilissante, peut se manifester par une tendance à les barbouiller avec des matières dégoûtantes ou salissantes.
Dans cette catégorie il faut classer le cas suivant, rapporté par Arndt(Vierteljahrsschr. f. ger. Medicin, N. F. XVII, H. 1).


OBSERVATION 31.--A..., étudiant en médecine à Greifswald, accusatus quod iterum iterumque puellis honestis parentibus natis in publico genitalia sua e bracis dependentia plane nudata quæ antea summo amiculo (pans de redingote) tecta erant, ostenderat. Nonnunquam puellas fugientes secutus easque ad se attractas urina oblivit. Hæc luce clara facta sunt; nunquam aliquid hæc faciens locutus est.
A... est âgé de vingt-trois ans, fort au physique, proprement mis et de manières décentes. Crâne un peu progeneum. Atteint de pneumonie chronique à la pointe droite du poumon. Emphysème. Pouls: 60; en émotion: 70 à 80 coups. Parties génitales normales. Se plaint de troubles périodiques de la digestion, de constipation, de vertiges et d'une excitation sexuelle excessive qui l'a poussé de bonne heure à l'onanisme, mais jamais à la satisfaction normale de ses besoins sexuels. Se plaint aussi d'être d'humeur mélancolique de temps en temps, d'idées qui lui viennent de se torturer lui-même, ainsi que de tendances perverses dont il ne saurait s'expliquer le mobile. Ainsi, par exemple, il rit dans des occasions graves, a quelquefois l'idée de jeter son argent à l'eau, de courir sous une pluie torrentielle.
Le père de l'inculpé est de tempérament nerveux, la mère sujette à des maux de tête nerveux. Un frère souffrait de crises épileptiques.
Dès sa première jeunesse, l'inculpé montrait un tempérament nerveux, était sujet aux crampes et aux syncopes, et était pris d'un état de catalepsie momentané lorsqu'on le grondait sévèrement. En 1869, il suivait les cours de médecine à Berlin. En 1870, il prit part à la guerre comme ambulancier. Ses lettres de cette époque dénotent de la mollesse et de l'apathie. En rentrant au printemps de 1871, son irritabilité d'humeur éveilla l'attention de son entourage. Il se plaignait souvent à cette époque de malaises physiques et des désagréments que lui causait une liaison féminine.
Il passait pour un homme très convenable.
En prison, il est calme et quelquefois pensif. Il attribue ses actes à des excitations sexuelles très gênantes et qui, ces temps derniers, étaient devenues excessives. Il s'était parfaitement rendu compte de l'immoralité de ses actes, et après coup, il en avait toujours eu de la honte. En les accomplissant, il n'a pas éprouvé une véritable satisfaction sexuelle. Il n'a pas une connaissance parfaite de la vraie portée de sa situation. Il se considère comme un martyre, une victime d'un pouvoir méchant. On suppose que chez lui le libre arbitre est supprimé.
Ce penchant se manifeste aussi dans l'instinct sexuel paradoxal qui se réveille à l'âge de sénilité et qui souvent se fait jour d'une façon perverse.
Ainsi Turnowsky (op. cit., p. 76) nous rapporte le cas suivant:


OBSERVATION 32.--J'ai connu un malade qui s'est couché avec une femme en toilette de soirée et fortement décolletée, sur un divan bas, dans une chambre très éclairée. Ipse apud janum alius cubiculi obscurati constitit adspiciendo aliquantulum feminam, excitatus in eam insiluit excrementa in sinus ejus deposuit. Hæc faciens ejaculationem quamdam se sentire confessus est.
Un journaliste viennois me communique le fait que des hommes, en payant des prix exorbitants, décident des prostituées à tolérer, ut illi viri in ora earum spuerent, et fæces et urinas in ora explerent[43].
[Note 43: Léo Taxil, dans son ouvrage: La Corruption fin de siècle, rapporte (p. 223) des faits analogues. Il y a aussi des hommes qui exigent introductio linguæ meretricis in anum.]
Dans cette catégorie paraît aussi rentrer le cas suivant raconté par le Dr Pascal (Igiene dell'amore):


OBSERVATION 33.--Un homme avait une maîtresse. Ses rapports avec elle se bornaient aux actes suivants: elle devait se laisser noircir les mains avec du charbon ou de la suie de chandelle, ensuite elle devait se mettre devant une glace, de sorte qu'il pût voir dans la glace les mains salies. Durant sa conversation souvent assez prolongée avec sa maîtresse, il portait sans cesse ses regards dans la glace sur l'image des mains salies, et puis il prenait congé d'elle, l'air très satisfait.
Très remarquable aussi à ce point de vue, le cas suivant qui m'a été communiqué par un médecin. Un officier n'était connu dans un lupanar à K..., que sous le sobriquet de «l'huile». L'huile lui procurait des érections et des éjaculations, à la condition qu'il fît entrer la puellam publicam nudam dans un seau rempli d'huile et qu'il lui enduisît d'huile tout le corps.
En présence de ces faits, la supposition s'impose que certains individus qui abîment les vêtements de femmes (en versant dessus, par exemple, de l'acide sulfurique ou de l'encre), doivent obéir au désir de satisfaire un instinct sexuel pervers. C'est là aussi une façon de causer de la douleur. Les personnes endommagées sont toujours des femmes, tandis que ceux qui commettent le dégât sont des hommes. Dans tous les cas, il serait bon, dans de pareilles affaires judiciaires, de prêter à l'avenir quelque attention à la vita sexualis des agresseurs.
Le caractère sexuel de ces attentats est mis en lumière par le cas de Bachmann que nous citerons plus loin (Observ. 93) et dans lequel le mobile sexuel du délit fut prouvé jusqu'à l'évidence.

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