mardi 13 janvier 1998

Psychopathia sexualis, Krafft-Ebing, III (D), Névroses cérébrales (1A) Masochisme


Psychopathia Sexualis
avec recherches spéciales sur l'inversion sexuelle
Richard von Krafft-Ebing
Trad: Emile Laurent et Sigismond Csapo
Ed. Georges Carré, Paris, 1896

Source : Project Gutenberg
This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included with this eBook or online at www.gutenberg.org



III
NEVROSES CEREBRALES


I.--AFFECTION SEXUELLE POUR DES PERSONNES DE L'AUTRE SEXE AVEC MANIFESTATION PERVERSE DE L'INSTINCT.

MASOCHISME OU EMPLOI DE LA CRUAUTÉ ET DE LA VIOLENCE SUR SOI-MÊME POUR PROVOQUER LA VOLUPTÉ.

    Ainsi nommé d'après Sacher-Masoch, dont les romans et les contes traitent de préférence de ce genre de perversion.

Le masochiste est le contraire du sadiste. Celui-ci veut causer de la douleur et exerce des violences; celui-là, au contraire, tient à souffrir et à se sentir subjugué avec violence.

Par masochisme, j'entends cette perversion particulière de la vita sexualis psychique qui consiste dans le fait que l'individu est, dans ses sentiments et dans ses pensées sexuels, obsédé par l'idée d'être soumis absolument et sans condition à une personne de l'autre sexe, d'être traité par elle d'une manière hautaine, au point de subir même des humiliations et des tortures. Cette idée s'accompagne d'une sensation de volupté; celui qui en est atteint, se plaît aux fantaisies de l'imagination qui lui dépeint des situations et des scènes de ce genre; il cherche souvent à réaliser ces images et, par cette perversion de son penchant sexuel, il devient fréquemment plus ou moins insensible aux charmes normaux de l'autre sexe, incapable d'une vita sexualis normale, psychiquement impuissant. Cette impuissance psychique n'a nullement pour base l'horror sexus alterius; elle est fondée sur ce fait que la satisfaction du penchant pervers peut, comme dans les cas normaux, venir de la femme, mais non du coït.

Il y a aussi des cas où, à côté de la tendance perverse de l'instinct, l'attrait pour les plaisirs réguliers est encore à peu près conservé et des rapports sexuels normaux ont encore lieu à côté des manifestations perverses. Dans d'autres cas, l'impuissance n'est pas purement psychique, mais bien physique, c'est-à-dire spinale. Car cette perversion, comme presque toutes les autres perversions de l'instinct sexuel, ne se développe que sur le terrain d'une individualité psychopathique dans la plupart des cas tarée, et ces individus se livrent ordinairement dès leur première jeunesse à des excès sexuels, surtout des excès de masturbation auxquels les pousse la difficulté de réaliser leurs fantaisies.

Le nombre des cas de masochisme incontestable qu'on a observé jusqu'ici est déjà considérable. Le masochisme existe-t-il simultanément avec une vie sexuelle normale, ou domine-t-il exclusivement l'individu? Le malade atteint de cette perversion cherche-t-il, et dans quelle mesure, à réaliser ses fantaisies étranges? A-t-il par cette perversion plus ou moins perdu sa puissance sexuelle ou non? Tout cela dépend de l'intensité de la perversion, de la force des mobiles contraires, éthiques et esthétiques, ainsi que de la vigueur relative, de la constitution physique et psychique de l'individu atteint. Au point de vue de la psychopathie, l'essentiel c'est le trait commun qui se trouve dans tous ces cas: tendance du penchant sexuel à la soumission et à la recherche des mauvais traitements de la part de l'autre sexe.

On peut appliquer au masochisme tout ce qui a été dit plus haut du sadisme relativement au caractère impulsif (mobiles obscurs) de ses actes et au caractère congénital de cette perversion.

Chez le masochiste aussi il y a une gradation dans les actes, depuis les faits les plus répugnants et les plus monstrueux jusqu'aux plus puérils et aux plus ineptes, selon le degré d'intensité des penchants pervers et l'intensité de la force de réaction morale et esthétique. Mais ce qui empêche d'aller jusqu'aux conséquences extrêmes du masochisme, c'est l'instinct de la conservation. Voilà pourquoi l'assassinat et les blessures graves qui peuvent se commettre sous l'influence de la passion sadique, ne trouvent pas, autant qu'on sait, leur pendant masochiste dans la réalité. Il est cependant possible que les désirs pervers des masochistes puissent, dans leur imagination, aller jusqu'à ces conséquences extrêmes. (Voir l'observation 53.)

Les actes auxquels se livrent certains masochistes se pratiquent en même temps que le coït, c'est-à-dire qu'ils servent de préparatifs. Chez d'autres, ces actes servent d'équivalent au coït. Cela dépend seulement de l'état de la puissance sexuelle qui chez la plupart est psychiquement ou physiquement atteinte par suite de la perversion des représentations sexuelles. Mais cela ne change rien au fond de la chose.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire