Si l’espèce humaine est plus égalitaire que certaines cousines primates, elle n’échappe pas au phénomène de dominance que l’on observe dans tous les domaines de la vie sociale. Le leadership peut être analysé par ses fonctions : maintenir l’unité du groupe et gérer ses conflits internes lorsqu’il faut partager des ressources ; coordonner ce groupe lorsqu’il est en situation de menace, généralement l’attaque d’un autre groupe. Ou par ses bénéfices : un avantage dans la compétition sexuelle et une fertilité finale plus abondante. Cette fonction dominante est généralement associée aux mâles, notamment en raison de l’importance des conflits violents dans l’évolution humaine et de diverses prédispositions masculines à l’agression ou la défense contre l’agression. Cependant, on peut faire l’hypothèse que les sexes ne présentent pas tout à fait le même profil d’intérêt selon la nature de la compétition, intragroupe ou intergroupe. Le dimorphisme sexuel suggère en effet que les femmes ont plutôt intérêt à créer et maintenir des réseaux sociaux stables pour se protéger et protéger leurs enfants, donc à maintenir la paix au sein de groupe. Les hommes peuvent envisager la formation de coalitions et les situations de conflits intergroupes comme des opportunités reproductives.
Mark Van Vugt, qui dirige le laboratoire de psychologie sociale évolutionnaire à l’Université de Kent, s’intéresse notamment à ces questions de leadership dans une perspective darwinienne. Un précédent travail de son laboratoire avait montré que, placés dans une situation conditionnelle (élire le président d’un pays imaginaire dans un certain contexte), les individus des sociétés occidentales ne font pas le même choix selon que le pays est menacé de dissensions internes ou de guerre avec un voisin : dans le premier cas, les 45 volontaires de l’expérience (dont 27 femmes) ont préféré un leader féminin (75,6 %) ; dans le second cas, un leader masculin (91,1 %). Ce résultat préliminaire a ici été reproduit avec 50 volontaires (dont 26 femmes, âge moyen 21 ans) dans un jeu du bien commun, consistant à choisir entre un investissement personnel et un investissement public. Le jeu a été mené dans quatre conditions : soit il s’agissait de classer les individus les plus coopératifs au sein des groupes (orientation intragroupe) ; soit il s’agissait de classer les groupes selon qu’ils parvenaient à coopérer mieux que d’autres dans le cadre d’une coupe inter-universitaire (orientation intergroupe) ; soit une situation mixte avec évaluation de la coopération interne et de la compétition externe ; soit enfin une situation neutre. Une fois expliqué le déroulement du jeu, les sujets devaient élire un leader pour coordonner les investissements : femme ou homme. Ce leader était en fait imaginaire, quoique présenté comme réel (courte biographie), mais les joueurs considéraient qu’il serait amené à analyser leurs stratégies par la suite. Résultats : les femmes ont été préférées comme leaders dans les conditions intragroupe (93,3 %) et mixte (75 %), les hommes dans la condition intergroupe (78,6 %), et aucune préférence n’a émergé dans la condition neutre de contrôle. Dans le déroulement du jeu, les investissements vers le bien public ont été supérieurs dans les groupes dirigés par les femmes là où l’on mettait l’accent sur la coopération interne ; et l’inverse s’est vérifié dans la compétition externe, où les groupes dirigés par les hommes se sont montrés plus performants.
Référence :
Van Vugt, M., B.R. Spisak, (2008). Sex differences in leadership emergence in conflicts within and between groups, Psychological Science, 19, 9, 854-858, doi : 10.1111/j.1467-9280.2008.02168.x
lundi 27 octobre 2008
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