Dans un travail publié l’an dernier, Andrew J. Elliot (Université de Rochester) et ses collègues avaient montré que la couleur rouge représente un signal aversif dans un contexte de performance : des individus placés en situation de test réussissent un peu moins bien si le contexte montre des signaux rouge plutôt que neutres (achromatiques : noir, blanc, gris), bleus ou verts (Elliot et al. 2007). Une nouvelle étude d’Elliot, co-réalisée avec Daniela Nesta, est aujourd’hui consacrée à l’association du rouge et de l’attirance masculine pour les femmes.
Cinq expérimentations indépendantes ont été réalisées, où les hommes hétérosexuels (parfois des femmes) devaient juger l’attractivité physique et la désirabilité sexuelle de femmes présentées en photographie. Les femmes avaient été choisies comme modérément attractives selon un précédent classement. Leur pose était identique (torse et face visibles, vêtements neutres, sourire), la photographie en noir et blanc. Le fond de la photo variait selon les expérimentations (blanc, gris, bleu, vert et rouge), ainsi que la durée d’exposition (5 secondes ou durée libre, changement de diapo par les volontaires). Il en ressort que les femmes présentées sur un fond rouge ont été jugées plus attractives physiquement et plus désirables sexuellement que sur tout autre fond. La durée de l’exposition ne change pas le jugement. L’effet rouge est sensible pour les hommes seulement (les femmes testées ne jugent pas les autres femmes plus attractives). Les autres traits de caractère évalués (amabilité, gentillesse, intelligence) ne montrent pas de variations en fonction de la couleur du contexte. Enfin, les hommes ne sont pas conscients du rôle de la couleur dans leurs jugements.
L’association de la couleur rouge avec l’amour et le sexe est solidement documentée dans l’histoire culturelle. Les anthropologues ont montré que les pigments ocre sont utilisés comme décorations corporelles dans les rituels anciens de chasseurs-cueilleurs, pour signaler l’entrée des jeunes filles dans leur âge fertile. Rouges à lèvres et fonds de teint de nos sociétés modernes sont le lointain écho de ces parures physiques. Mythologie, folklore, littérature et art associent souvent le rouge à l’amour, la passion, la luxure ou la fertilité. Et le cœur symbolisant l’amour est bien sûr d’un rouge vif. Mais ces associations culturelles ne donnent qu’une partie de l’histoire, car le signal rouge est aussi bien lié à la sexualité chez les animaux, notamment les singes et primates non humains (grands singes ou primates hominoïdés). Un grand nombre de femelles montrent une coloration rouge sur la face, la poitrine, le périnée ou la vulve lorsqu’elles sont en phase ovulatoire. Cette pigmentation est due au déséquilibre entre œstrogène et progestérone, entraînant une vascularisation accentuée en phase fertile.
Référence :
Elliot A.J., D. Niesta (2008), Romantic red: Red enhances men's attraction to women, Journal of Personality and Social Psychology, 95, 5, 1150-1164.
Illustrations : Andy Warhol, Marilyn, 1967. Jeff Koons, Jeff eating Ilona, 1991. (DR)
(Merci à Daniela Nesta de m’avoir communiqué son papier).
mercredi 29 octobre 2008
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire