vendredi 10 mars 2000

Un paradis sexuel… imaginaire

Les descriptions des mœurs des contrées lointaines n’offrent pas toutes une égale rigueur scientifique, et certaines ont même induit en erreur des générations de chercheurs.L’exemple le plus célèbre est l’enquête de Margaret Mead aux îles de Samoa, publiée en 1928 et devenu un classique des sciences humaines.Mead, élève de l’anthropologue Franz Boas, a décrit dans son livre un véritable paradis sexuel : à l’en croire, les adolescents polynésiens, libérés de la « culpabilité occidentale », se livraient à un joyeux vagabondage sexuel sans complexe ni contrainte.Le viol, «occasionnel», était supposé provenir du «contact avec la civilisation blanche».L’influence de cet essai fut immense.Nombre d’étudiants y virent une bible de la libération sexuelle ; les ethnologues et les anthropologues une arme contre le « déterminisme biologique », en l’occurrence remplacé par le déterminisme culturel : «L’essentiel de ce que nous imputons à la nature humaine, affirmait Boas en commentant l’ouvrage de sa disciple, relève d’une réaction aux contraintes de notre propre civilisation».

Hélas, ce paradis était imaginaire.En 1983, Derek Freeman, anthropologue australien qui arriva dans l’île 15 ans après Mead et y vécut six ans (elle n’y avait séjourné que neuf mois !), dénonce dans sa contre-enquête une «fraude» et un véritable «mythe anthropologique». Les habitants de Samoa se révèlent être un peuple guerrier depuis des siècles ; la virginité y est une valeur cardinale de la culture traditionnelle et les frères ont le droit de battre leur sœur s’il la voit avec un amoureux ; le mari trompé peut se venger sur la famille de son épouse et celle-ci doit être battue ; quant au taux de viol par habitants, les relevés de Freeman montraient qu’il était six fois plus élevé qu’aux Etats-Unis ! Comme paradis, on fait mieux…

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