Le choix des partenaires reproductifs est-il alétaoire ou obéit-il à des règles discrètes et inconscientes chez les sujets ? L’un des domaines étudiés de longue date chez l’homme et l’animal concerne le complexe majeur d’histocompatibilité (CMH, chez l’homme HLA pour Human Leukocyte Antigen). Cet ensemble de gènes définit la « reconnaissance de soi » du point de vue immunitaire, c’est-à-dire la capacité d’un organisme à différencier ses propres cellules de cellules étrangères (comme des bactéries par exemple). On a observé chez des rongeurs, des oiseaux et des reptiles que les appariements ne se font pas tout à fait au hasard concernant le CMH de chaque partenaire : il existe un biais en faveur d’un CMH dissemblable, c’est-à-dire présentant moins d’allèles en commun. Cela fait sens du point de vue de l’évolution : plus un descendant reçoit de gènes différents dans son CMH, plus son système immunitaire sera efficace pour se protéger des pathogènes (en produisant une plus grande variété d’antigènes).
Les études sur l’homme ont été menées en ce sens, soit en comparant directement certains marqueurs HLA, soit en étudiant les préférences pour les odeurs corporelles. Cette odeur émise par les organismes est en effet sous la dépendance des gènes du système immunitaire. A ce jour, les résultats ont été contradictoires. Des études de la communauté huttérite (aux États-Unis) ont montré une tendance à choisir des partenaires éloignés de son système immunitaire, comme chez les animaux. Mais une autre étude sur des tribus amérindiennes n’a pas retrouvé ce trait. Les analyses de préférence sexuelle par odeur corporelle ont également montré des résultats inégaux : il existe des préférences marquées, mais elles ne correspondent pas toujours à la proximité ou la non-proximité génétique HLA.
Deux chercheurs anglais et une française (Université d’Oxford, Musée de l’Homme) viennent de se repencher sur la question. Ils ont étudié 30 couples américains d’origine européenne (communauté des Mormons) et 30 couples africains (ethnie Yoruba). Les biologistes ont bénéficié des progrès du séquençage génétique et, à partir des bases de données HamMap II, ils ont pu prendre en compte 9.010 variations simples (SNP) du système HLA, en effectuant par ailleurs un contrôle sur plus de 3.200.000 SNPs du génome (hors HLA). Il en résulte que les couples d’origine européenne se sont formés de manière non aléatoire, sur la base d’une distance génétique de leur système immunitaire. On ne retrouve en revanche pas de biais particulier sur le génome entier. À l’inverse, les couples africains ne montrent aucune tendance particulière concernant le HLA et leur formation ne diffère pas d’un choix au hasard. Mais les SNPs du génome entier sont plus proches en revanche. La raison pourrait en être que les populations africaines présentent naturellement une plus grande diversité génétique du système immunitaire, sans doute du fait d’une différenciation plus précoce dans l’hominisation et d’un fardeau pathogène et parasitaire plus important dans leur milieu de vie. La pression sélective pour un HLA distant serait moins forte. Inversement, les mariages sont encore arrangés par lignées paternelles et échanges matrimoniaux influant sans doute les corrélations observées à l’échelle du génome entier, hors HLA.
Il est possible que les histocompatibilités HLA prédisent sur la future résistance immunitaire de l’enfant, mais aussi la fertilité des couples (sélection des spermatozoïdes par l’ovocyte lors de la fécondation). Quand la génomique personnelle sera démocratisée, on disposera de données bien plus importantes pour analyser ces phénomènes. Et de moyens plus efficaces que l’odeur corporelle pour envisager les tenants et aboutissants de la procréation…
Référence :
Chaix R. et al. (2008), Is mate choice in Humans MHC-dependent?, PLoS Genet, 4, 9, e1000184, doi:10.1371/journal.pgen.1000184
dimanche 14 septembre 2008
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