Le comportement parental et social figure parmi les dispositifs innés de certaines espèces. Notamment la souris. Dans la mesure où ces comportements demandent d’évaluer les menaces de l’environnement, les chercheurs font l’hypothèse qu’ils impliquent certains circuits neuronaux de la peur, lié à l’amygdale. Mais cet amas de neurones en forme d’amande, situé dans le système limbique, comporte en réalité divers noyaux fonctionnels, possédant des connexions internes et des projections externes spécifiques.
L’équipe de Gleb P. Shumyatsky (Département de génétique, Université Rutgers, États-Unis) avait déjà identifié une région de l’amygdale, le noyau baso-latéral, comme modulant la sensation de peur et l’apprentissage qu’elle permet (perception des dangers, évitement ultérieur des situations menaçantes). Pour ce faire, ils avaient sélectivement inhibé un gène appelé stathmin (son expression participe à l’organisation des microtubules, très abondants dans les dendrites et axones du cerveau dont ils forment le cytosquelette). Que se passe-t-il du point de vue comportemental quand le gène stathmin est ainsi endormi (-/-) ? Les souris femelles se désintéressent de leur portée et deviennent incapables de choisir un endroit approprié pour construire un nid. Mais ces mauvaises mères sont aussi de bonnes filles : désinhibées, elles multiplient les contacts sociaux entre adultes. Le travail confirme donc que le comportement parental et social est sous la dépendance du fonctionnement du noyau basolatéral de l’amygdale, dont les altérations par lésion, les variations innées dues au polymorphisme génétique ou les variations acquises dues aux expériences de l’individu sont susceptibles d’avoir des effets phénotypiques observables.
Ces travaux sur la souris, comme ceux sur la mouche dont on parlait ici récemment, permettent le valider progressivement le schéma fonctionnaliste et modulariste dans l’analyse de l’esprit. Le fonctionnalisme signifie que les états mentaux sont analysés par les séries de causes et effets qui les caractérisent et auxquelles on peut attribuer un rôle dans la (sur)vie de l’organisme, rôle généralement façonné par l’évolution adaptative. La modularité signifie que les cerveaux sont formés de noyaux et réseaux (modules) spécialisés dans le traitement de certaines informations, la connexion de ces modules accomplissant la fonction.
Comme les mouches, les souris et les humains partagent énormément de choses, à commencer par des gènes et des neurones, il n’y a pas de raison de penser que les cerveaux dont nous sommes si fiers diffèrent fondamentalement dans leurs mécanismes perceptifs et cognitifs. Même si bien sûr Homo sapiens et les primates en général ont développé d’autres fonctions et d’autres modules dans l’histoire de la vie.
Référence :
Martel G. et al. (2008), Stathmin reveals dissociable roles of the basolateral amygdala in parental and social behaviors, PNAS, online pub, doi: 10.1073/pnas.0807507105
mardi 16 septembre 2008
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