L’expression « survie du plus apte », lancée initialement par Herbert Spencer et non Charles Darwin, a longtemps laissé penser que l’évolution produit toujours des formes optimales. Il n’en est rien. Dans un travail de modélisation portant sur des molécules ARN de 12 à 18 nucléotides, Matthew C. Coperthwraite et ses collègues suggèrent que l’évolution peut aussi bien être décrite comme « la descendance du plus abondant ». Les mutations neutres s’accumulant au cours du temps dans tous les gènes peuvent être vues comme un « paysage adaptatif » (Sewell Right) imposant une certaine contrainte sur les mutations ultérieures. Ce « réseau mutationnel » est certes une condition de la sélection : il faut de petites variations pour explorer les diverses contrées d’un paysage adaptatif. Mais il tend aussi à favoriser les solutions les plus abondantes, et non les plus rares même si ces dernières se révèlent parfois mieux adaptés (c’est-à-dire atteignent un optimum pour une fonction donnée). Pour un phénotype (structure) donné, c’est d’abord le génotype (séquence) le plus abondant conduisant à ce phénotype qui va influencer la dynamique évolutive ultérieure d’une population. En d’autres termes, la sélection favorise avant tout la quantité, et plus les réseaux mutationnels renforcent leurs interconnexions, moins ils rendent probables l’émergence de certaines solutions plus simples à partir de séquences antérieures. La vie fonctionne ainsi aux antipodes du Dessein Intelligent imaginés par les néo-créationnistes. Et la nature ne fait pas bien les choses : elle les fait comme elle peut, sur la base d’un mécanisme aveugle à toute finalité.
Référence :
Cowperthwaite M.C. et al. (2008), The Ascent of the Abundant: How mutational networks constrain evolution, PLoS Comput Biol, 4,7, e1000110. doi:10.1371/journal.pcbi.1000110
jeudi 24 juillet 2008
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