mercredi 27 novembre 2002

L’évolution des stratégies sexuelles


Si Darwin a découvert le principe de la sélection sexuelle, il n’en a pas déchiffré toutes les lois. En fait, la communauté scientifique n’est parvenue à un relatif consensus à ce sujet que dans les trente dernières années.

Sous l’influence de quelques auteurs (George William, William Hamilton, Robert Trivers, Edward Wilson, Tim Clutton-Brock…), la théorie néo-darwinienne a été jusqu’au bout de sa logique : la compétition pour la survie, pour les ressources et pour la reproduction concerne certes des individus, mais ces individus transmettent en tout et pour tout des gènes, par le biais de leur descendance. L’aptitude darwinienne (fitness) se mesure donc en premier lieu par la capacité de réplication des gènes à travers les générations.

Quand on dit que le « but » d’un gène est de se reproduire, on n’entend pas bien sûr que le gène pense de lui-même à fabriquer un maximum de copies. Les gènes fabriquent des véhicules qui tendent, eux, à se reproduire. Une bactérie le fait en se posant un minimum de questions, si l’on peut dire, mais ce n’est pas le cas à mesure que le système nerveux central se développe dans l’évolution, que les modes de reproduction varient (invention du sexe) et que les véhicules, de plus en plus complexes et coûteux en énergie, doivent tenir compte des contraintes de leur environnement. Le gène ne peut pas exister sans l’individu (cellule ou organisme) qui le transmet. La valeur adaptative de l’individu est donc le seul chemin pour la postérité réplicative de ses gènes.

Le « point de vue du gène », adopté par la nouvelle théorie de l’évolution, est mathématiquement et biologiquement vrai, mais il n’en reste pas moins qu’à chaque génération de l’évolution, les organismes entiers, c’est-à-dire les individus, sont les conditions nécessaires de réplication des gènes : la sélection s’exerce sur eux en première instance, sur les gènes en deuxième instance. La sexualité et la reproduction sont, bien sûr, l’occasion d’une intense sélection. De ce point de vue, le comportement des mâles et des femelles n’est pas le même dans la plupart des espèces, y compris chez la nôtre. De même, les stratégies reproductives des espèces diffèrent.

Stratégie [r], stratégie [K] : qualité ou quantité ?
La notion de stratégies [r] et [K] a été proposée par Robert MacArthur, voici une quarantaine d’années, dans le cadre d’une approche mathématique de la biologie des populations. Elle a ensuite été généralisée par E.O. Wilson. Par [r], MacArthur désigne le taux intrinsèque de croissance d’une population, sans inclure les limites imposées par l’environnement. Il s’agit bien sûr d’une valeur abstraite, ne tenant pas compte de la réalité (toute population rencontre un jour ou l’autre des contraintes de milieu). Par [K], MacArthur désigne la capacité de maintien, c’est-à-dire la taille maximale qu’une population peut atteindre et maintenir dans un habitat particulier sans en épuiser les ressources au point de devoir ensuite diminuer.
Une espèce sera dite stratégie [r] si la sélection naturelle lui a permis de maximiser [r] dans son environnement. Concrètement, cela se traduit par un grand nombre de descendants, un faible investissement parental dans la survie de chaque descendant, une grande mortalité infantile, une vie courte, un développement rapide, une reproduction précoce, une mortalité adulte importante, une faible compétition intraspécifique, etc. Un modèle vivant : l’huître. Elle pond des centaines de millions d’oeufs dont quelques milliers seulement pourront croître.
Une espèce sera dite stratégie [K] si la sélection naturelle l’a contrainte à limiter le nombre de descendants dans un environnement donné et à en optimiser l’appropriation des ressources. Concrètement, cela se traduit par un faible nombre de descendants, un fort investissement parental dans la survie de chaque descendant, une mortalité infantile moindre, une vie longue, un développement lent, une reproduction retardée, une compétition intraspécifique forte, une mortalité adulte sévère mais diversement répartie, etc. Un modèle vivant : le gorille. Il n’a que quelques descendants dont la survie dépend des soins et de la défense du territoire, ainsi que d’un approvisionnement constant en ressources alimentaires demandant un effort de cueillette.

Bien sûr, [r] et [K] forme un continuum et la place d’une espèce y est toujours relative : le lapin est [K] par rapport à l’huître mais [r] par rapport au gorille. De manière générale, les insectes sont plutôt [r] et les mammifères plutôt [K]. Au sein d’une espèce, il peut exister de même une variation entre individus et entre groupes d’individus (toujours en fonction des contraintes d’environnement).

Chez l’homme, le comportement devient stratégie
Cette théorie a connu plusieurs critiques. La plus pertinente, formulée par Stephen Stearns, consiste à montrer que [r] est un paramètre de population pur alors que [K] est un paramètre composite (population-environnement-interaction). On peut à la rigueur démontrer une sélection pour [r] (soit une extension maximale du nombre de descendants), mais la sélection contraire pour [K] est une pétition de principe qui inclut dans sa définition ce qu’elle devrait d’abord démontrer (l’existence d’un environnement stable et limité impliquant un rapport direct et mesurable entre taux de mortalité et densité de population). Toutefois, des formalisations plus complexes d’écologie comportementale montrent la théorie [r-K] reste un cadre valable pour analyser le comportement reproductif. On considère surtout que certaines de ses composantes, comme l’investissement parental et la stratégie alimentaire, possèdent de fortes valeurs adaptatives. Dans le cadre de l’espèce humaine, les stratégies [K] et [r] doivent bien sûr inclure la prévisibilité de l’environnement, puisque l’homme est un animal conscient. Enfin, il faut avoir en tête qu’il s’agit d’outils statistiques valables pour analyser l’évolution des populations, et non le comportement de tel ou tel individu en particulier.

Par ailleurs, nous parlons ici de « stratégies », et non de « comportement ». La stratégie [r] d’une huître est en fait un anthropomorphisme, impropre à désigner le comportement réel de l’huître (comme de ses gènes). En revanche, la stratégie [K] d’un être humain est une réalité, dans la mesure où il possède la capacité d’observer son milieu social et naturel, de comptabiliser ses ressources, de maîtriser sa procréation, d’anticiper son avenir et celui de ses enfants, d’évaluer les attitudes des autres.

Investissement parental : les sexes divergent
En 1966, George C. William soulignait : « Le rôle essentiel d’un mammifère mâle peut s’arrêter avec la copulation, qui demande une dépense négligeable en énergie et en matière de sa part, et seulement une perte momentanée d’attention pour ce qui concerne sa sécurité et son bien-être. La situation est très différente pour la femelle, pour qui la copulation peut signifier un engagement pour une charge prolongée, au sens mécanique et physique, avec le stress et les dangers attenants ».

A partir de cette intuition initiale, Robert Trivers a fondé en 1972 la théorie de l’investissement parental. Du point de vue darwinien, le succès dans la copulation ne signifie pas le succès dans la reproduction : outre que le mâle doit s’assurer que la femelle reçoit ses spermatozoïdes et non ceux d’un concurrent, il faut aussi que la descendance qui en résulte survive à son tour. Le succès reproductif d’un individu est donc toujours la combinaison de deux processus distincts : la conquête du partenaire (temps et énergie dépensés pour séduire) et l’investissement parental (temps et énergie dépensés pour prendre soin de la descendance).
Comme dans le cas des stratégies [r] et K], chaque individu a le choix entre deux options : investir dans la conquête d’un maximum de partenaires ou dans le soin maximum à ses enfants. Cet investissement parental est bien sûr influencé par les capacités de reproduction de chaque sexe. Le sexe qui a le plus haut potentiel reproductif aura tendance à privilégier la recherche du plus grand nombre de partenaires, tandis que l’autre sera porté à augmenter l’investissement parental. Ce schéma est d’autant plus vrai que les soins des deux parents ne sont pas nécessaires à la survie des enfants.

La dissymétrie entre sexes commence avant même la procréation, au niveau de la formation des cellules reproductrices. La première différence entre la femelle et le mâle tient ainsi à l’investissement en énergie et en temps qu’ils consentent pour développer leur gamète. Dans l’espèce humaine comme chez la plupart des mammifères, l’ovule est gros et rare ; le spermatozoïde minuscule et abondant.

Pour une dépense nutritive et énergétique équivalente, la femme produit un ovule par mois, l’homme plusieurs millions de spermatozoïdes par jour. Par ailleurs, la gestation interne et la lactation des mammifères demandent à la femelle des sacrifices que le mâle ignore.

Dans 95 % des cas, la femelle s’occupe des descendants
Ces différences expliquent la manière dont les sexes envisagent l’accouplement et les soins parentaux. On a ainsi montré que dans 95 % des espèces mammifères connues, les femelles s’occupent des soins parentaux. Il est intéressant de noter que les primates (et la plupart des espèces carnivores) se singularisent par des soins paternels plus prononcés, présents dans 30 à 40 % des espèces (dont l’homme, bien sûr).

On comprend aisément que la polygamie et la monogamie s’inscrivent dans l’éventail des stratégies procréatives liées à l’investissement parental. La monogamie est le régime qui maximise cet investissement de la part des deux parents (et qui a, de ce fait, la préférence des femmes). La polygynie institutionnalise au contraire la stratégie sexuelle la plus favorable aux mâles, du moins aux mâles dominants, qui consiste à multiplier les partenaires (avec, toutefois, la contrainte d’une plus importante recherche de ressources).

On appelle sex ratio opérationnel (SRO) le ratio entre mâles sexuellement actifs et femelles sexuellement actives à un moment donné et sur un espace donné du territoire de reproduction. Chez certaines espèces, le SRO est influencé par la réceptivité des femelles, c’est-à-dire la période ovulatoire où se manifestent des signes (turgescences, postures, phéromones) d’invitation à la copulation.

Chez l’homme, contrairement à beaucoup d’autres espèces, l’ovulation de la femelle n’apparaît au mâle ni par des changements physiologiques externes (rougissement de la vulve, par exemple), ni par des messages chimiques perceptibles (phéromones). L’homme ne sait donc jamais avec précision quand une femme est susceptible d’être fécondée. D’autant que celle-ci tend à se montrer sexuellement réceptive et attractive tout au long de son cycle menstruel.

La femme cache sa période fertile
Cette double caractéristique — ovulation cachée, réceptivité permanente — a sans doute joué un rôle non négligeable dans l’évolution des hominidés. Deux hypothèses s’affrontent à ce sujet : le père au foyer ou les amants multiples.

Pour les biologistes Richard Alexander et Katharine Noonan, l’ovulation discrète a favorisé la monogamie : pour s’assurer qu’il est bien le père de sa progéniture et chasser d’éventuels concurrents, l’homme a dû rester plus souvent auprès de sa compagne. Une astreinte qui a bien sûr été rendue plus agréable par le fait que la femme est toujours sexuellement réceptive. C’est la théorie du père au foyer.

La primatologue Sarah Hrdy préfère quant à elle l’hypothèse des amants multiples. On sait depuis peu qu’outre l’homme, de nombreuses espèces — lion, lycaon, chimpanzé, gorille — pratiquent l’infanticide : lorsqu’un mâle a affronté victorieusement un concurrent et prend possession de son harem, il n’est pas rare qu’il tue tous les nouveau-nés. Ce faisant, il supprime d’un même geste les derniers vestiges génétiques de son prédécesseur et la lactation de la mère, ce qui déclenche un nouveau cycle ovulatoire.

Selon S. Hrdy, l’ovulation cachée de la femme et sa réceptivité sexuelle permanente lui permettent de coucher avec plusieurs mâles sans qu’aucun d’entre eux n’ait une complète certitude de sa paternité. Ce doute diminue d’autant le désir d’infanticide du mâle. De plus, les copulations multiples (courantes chez nos plus proches cousins chimpanzés et bonobos) favorisent la « compétition du sperme » et augmente la probabilité d’être fécondé par le meilleur géniteur. En d’autres termes, au cours de l’évolution humaine, la femme a eu tous les atouts darwiniens pour que son infidélité soit payante : les ressources et la protection du père officiel, les qualités du père biologique…

En fait, comme le souligne le physiologiste Jared Diamond, ces deux théories ne s’annulent pas forcément. « Chez l’ancêtre commun des hommes, des gorilles et des chimpanzés, les femelles masquant le mieux leur ovulation et évitant ainsi l’infanticide ont eu une descendance plus importante. Lorsque ce caractère s’est fixé, les femelles ont pu l’utiliser pour s’attacher un partenaire afin de bénéficier en permanence de sa protection ».
La plupart des espèces primates vivent dans des systèmes sociaux complexes. La sélection sexuelle, c’est-à-dire la poursuite de son intérêt reproductif par chaque sexe, a une influence notable sur l’organisation des relations sociales.

Choix de la femelle et compétition entre mâles
Chez les espèces non monogames (chimpanzés, bonobos, macaques, mandrills, babouins…), la compétition entre mâles pour obtenir la dominance du groupe et l’accès aux femelles est un trait permanent, que cette compétition concerne des individus ou des coalitions d’individus. A défaut de pouvoir bloquer l’accès aux ressources, les mâles dominants visent au contrôle social et sexuel des autres membres du groupe, quel que soit leur sexe, avec une attention plus sévère pour les femelles lorsqu’elles sont en période réceptive, c’est-à-dire féconde. La dominance est alors souvent corrélée aux taux d’hormones mâles (testostérone) et se traduit par un dimorphisme important entre les sexes.

Les tests génétiques de paternité effectués par les chercheurs sur les singes ont démontré que cette stratégie est payante. Une étude de 11 années sur des babouins a par exemple abouti à la conclusion que le mâle alpha (dominant), appelé Radi, était bien le père de 81 % des descendants nés durant ses quatre années de règne. Avant et après son accès à la domination du groupe et du territoire, Radi n’avait participé qu’au cinquième des naissances…
La stratégie de la dominance sociale n’est pas la seule que l’on observe chez les espèces primates. Les mâles situés à un moindre rang dans la hiérarchie peuvent profiter du choix des femelles soit pour tromper le dominant, soit pour fonder des unions monogames plus durables. Les deux sexes en bénéficient. Le mâle évite ainsi le risque de non descendance que fait planer sur lui la domination de l’individu alpha. Les femelles, en entretenant des relations plus durables avec un mâle, minimise les risques physiques dans les périodes de conflits sociaux et augmente l’investissement parental dans sa descendance.

Le choix des femelles primates est important
Le choix des femelles (deuxième dimension de la sélection sexuelle après la compétition entre mâle) joue aussi un rôle important chez les primates. En règle générale, les femelles choisissent d’entretenir des relations amicales (et amoureuses) avec les mâles situés à une place élevée de la hiérarchie. Inversement, les mâles dominants sont très peu sélectifs dans le choix des partenaires et recherchent avant tout la quantité. Chez 16 espèces de primates, on note aussi des compétitions femelle-femelle, entre individus ou coalitions. L’objet de ces agressions, toujours moins violentes que chez les mâles, peut être la défense des ressources, la protection des enfants ou le maintien dans la hiérarchie sociale (c’est-à-dire restriction d’accès au cercle du mâle dominant).

Le dimorphisme sexuel est moins marqué chez l’homme que chez les autres espèces primates. Chez les australopithèques, la taille des femelles semblait varier de la moitié aux trois-quarts de celle des mâles, et la différence a diminué avec l’apparition des premières espèces humaines. Alors que la taille des canines est un bon indicateur de dimorphisme chez les primates, on ne note qu’une faible variation entre les deux sexes chez les humains (105 %, contre 128 % chez les Australopithèques). La différence de taille, de poids et d’agressivité entre les deux sexes est néanmoins toujours vérifiée, depuis les Homo habilis jusqu’au Homo sapiens actuel.

La division du travail a sans doute été influencée par le dimorphisme sexuel au cours de l’évolution humaine. Aujourd’hui, quelques dizaines d’ethnies seulement subsistent de la chasse, de la cueillette ou de la pêche. Les plus connues sont les ! Kung du désert de Kalahari (Bostwana), les Pygmées de la forêt Ituri (Zaïre) et les Inuits de l’Alaska et du Nord du Canada. Si leur régime de subsistance nous paraît exotique, il faut se souvenir qu’il a été celui de l’humanité pendant plusieurs centaines de milliers d’années.

La cueillette, couramment pratiquée par les primates, n’a rien de spécifiquement humain. Selon l’anthropologue Robert Martin et le paléontologue Richard Leakey, l’apport régulier de viande a en revanche été une condition nécessaire de l’évolution humaine : « La viande représente une source concentrée de calories, de protéines et de graisse. Ce n’est qu’en ajoutant une proportion significative de viande à son régime que le premier Homo a pu se permettre d’avoir un cerveau dépassant par le volume celui des australopithèques ».
La chasse contribua à modifier non seulement le régime alimentaire, mais aussi le comportement social des premiers hommes. Elle incite en effet à systématiser le partage de nourriture, le partage des risques et l’organisation des campements itinérants. Elle a donc partie liée avec le développement du langage, de la réciprocité sociale, des rapports territoriaux de voisinage et des capacités intellectuelles. Dans l’ensemble des sociétés de chasseurs-cueilleurs existant encore aujourd’hui, la chasse est une activité à dominante masculine alors que la cueillette est plus partagée. Une étude menée en 1989 par L. Betzig a montré que l’incapacité d’un homme à pourvoir sa famille en ressources alimentaires est encore une cause légitime de divorce dans 21 sociétés traditionnelles.

Hommes et femmes aujourd’hui
On pourrait croire que les principes de la sélection sexuelle sont désormais absents de nos sociétés industrialisées. Ce serait oublier une évidence : si nos corps vivent dans le confort inédit des villes modernes et des sociétés ouvertes, nos gènes ont aussi été sélectionnés dans les savanes du Pléistocène, à l’époque où les hommes vivaient en petits groupes fermés.
La recette pour plaire à l’autre sexe est simple et connue : il vaut mieux être beau, riche et en bonne santé… Depuis une vingtaine d’années, d’innombrables études ont été menées à travers le monde pour déterminer les critères masculins et féminins de sélection du partenaire occasionnel comme du conjoint. La plus complète à ce jour est celle dirigée par le psychologue David M. Buss, de l’université du Michigan (Etats-Unis). A l’aide de 50 collaborateurs appartenant à 37 cultures différentes localisées sur six continents et cinq îles, Buss a interrogé plus de 10 000 individus à travers le monde. « Ce que j’ai découvert n’est pas toujours très joli, confie-t-il. J’aurais préféré que les manipulations, les compétitions et les conflits soient absents de la sexualité humaine. Mais après tout, un scientifique n’est pas obligé d’aimer ce qu’il découvre ! »
Lorsqu’on leur demande les qualités du partenaire idéal, les hommes et les femmes donnent en moyenne les deux mêmes critères en première position : d’abord la gentillesse et l’empathie ; puis l’intelligence. Ces trois facteurs sont remarquablement cohérents avec notre passé d’espèce sociale et consciente. Ensuite, les choses commencent à changer. En troisième position, les hommes placent la beauté physique, alors que les femmes la mettent en sixième position seulement. La richesse ou la capacité à s’enrichir arrive en huitième position chez les femmes, mais en onzième seulement pour les hommes. Ces derniers sont plus attachés au désir d’enfant de leur compagne (huitième place, dixième chez la femme).

Une des conclusions les plus remarquables de l’analyse menée par Buss concerne l’existence de certains critères universels, indépendants de la diversité des cultures et donc a priori enracinés dans la nature humaine elle-même. Parmi ses résultats, il en est quelques-uns qui se retrouvent systématiquement dans les 37 cultures étudiées. Les femmes accordent toujours plus d’importance que les hommes à la richesse et à la position sociale — que les pays soient pauvres ou riches, ouverts ou fermés au travail féminin, développés ou non. Les hommes désirent partout deux qualités essentielles, moindrement mises en avant par les femmes : la jeunesse et la beauté.

Pour D. Buss, comme pour la plupart des scientifiques qui se sont penchés sur la question (L. Cosmides, J. Tooby, M. Cuningham, B. Smuts), ces choix trouvent leur fondement dans l’histoire évolutive de notre espèce : le mâle recherche la femelle qui lui accordera la meilleure descendance (jeunesse et beauté comme critères sélectifs) ; la femelle recherche le mâle qui s’investira le plus dans sa protection et sa subsistance (richesse et dominance). On est loin de Tristan et Yseult…

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