lundi 18 novembre 2002

Les mystères du sexe-ratio

La détermination du sexe est en théorie une loterie : chaque père donne un chromosome X ou un chromosome Y à son futur enfant. Or, les règles du jeu semble biaisés : il naît en moyenne 105 garçons pour 100 filles.De même, il naît un peu plus de garçons que de filles après les guerres et dans les familles socio-éconmiquement dominantes.Les biologistes connaissent le phénomène, mais ne sont pas d’accord sur son interprétation.

Faut-il croire que la nature a un penchant pour les garçons ? Les statistiques semblent en tout cas l’attester : il naît en moyenne 105 garçons pour 100 filles. Outre ce déséquilibre qui se vérifie dans presque toutes les sociétés, les démographes ont constaté deux variations significatives du sex-ratio chez l’homme : l’« effet-soldat » et l’« effet-élite ».

Effet-soldat et effet-élite
L’effet-soldat se traduit par une augmentation du nombre des naissances masculines à la fin d’une guerre. Ainsi, en Angleterre et au Pays de Galles, il naissait 103,4 garçons pour 100 filles en 1914, mais ce chiffre a grimpé à 106 garçons pour 100 filles en 1919. Et le même effet s’est répété entre 1941 et 1946.
L’« effet-élite », quant à lui, aboutit à une surreprésentation des hommes dans les familles d’individus dominant socialement. Ce sex-ratio a été d’abord repéré dans une espèce de primate, les atèles du Pérou, dont les femelles de haut rang donnent naissance à des mâles alors que la progéniture des femelles écartées par le mâle dominant est essentiellement féminine. Chez le cerf, les conditions défavorables de gestation des femelles, généralement dues au désintérêt du mâle, sont associées à une augmentation disproportionnée des naissances de femelles.
Cette tendance s’est retrouvée dans les sociétés humaines : une étude portant sur les familles des individus inscrits dans les Who’s Who américains, allemand et anglais parvient à un sex-ratio de 114 garçons pour 100 filles.
Dans une méta-analyse synthétisant 30 études menées selon des critères méthodologiques rigoureux et totalisant plus de 400 millions de naissances, Anouch Chachnazarian est parvenu aux conclusions suivantes : les trois facteurs montrant le plus d’influence sur le sex-ratio sont la race (moins d’écart entre les sexes chez les populations d’origine africaine), le rang de naissance (toujours plus de garçons chez les aînés) et le statut socio-économique (toujours plus de garçons en haut de l’échelle sociale).

Chromosomes, hormones, gènes… A qui la faute ?
D’où proviennent ces phénomènes ? Aucune explication scientifique ne fait aujourd’hui l’unanimité.
Pour le chercheur américain John Martin, les spermatozoïdes porteurs du chromosome Y sont plus mobiles que les X, mais ils ont une durée de vie plus courte. Plus les rapports sexuels sont fréquents (ce qui est le cas dans la première partie de la vie conjugale ou après une longue période de privation due à un conflit), plus il y a de chance pour les Y l’emportent. Une hypothèse qui explique l’« effet-soldat », mais pas l’« effet-élite ».
Le biologiste anglais William James préfère une explication fondée sur les hormones : les parents présentant un fort taux d’œstrogène et de progestérone ont plus de chance d’avoir des garçons. La néo-zélandaise Valerie J. Grant a repris cette hypothèse hormonale et considère, quant à elle, que la naissance des garçons est corrélée à la « dominance maternelle », c’est-à-dire au taux de testostérone de la mère.
Pour les sociobiologistes Robert Trivers et Daniel Willard, la prédominance des mâles en première naissance de couples dominants s’explique par un rapport « coût-bénéfice » dans la propagation des gènes : les femelles au mieux de leur condition physique, généralement choisies par les mâles, ont plus de chance d’avoir une grande descendance si elles donnent naissance à des mâles (ceux-ci devenant dominant du fait de la qualité de leurs géniteurs) ; inversement, les femelles vieillissantes ou à santé chancelante font un meilleur investissement avec les filles qu’avec les garçons.

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