mardi 14 août 2001

La sélection sexuelle chez les cyprès

L e cyprès de Duprez ou cyprès de Tassili ne subsiste plus aujourd’hui que dans la partie méridionale du Tassili des Ajjer, son écosystème originel.Là survivent 231 malheureux exemplaires qui ne se reproduisent plus. Condamnée à une probable et prochaine disparition, l’espèce a suscité l’engouement des scientifiques et une abondante littérature. Dernière parution en date, dans Nature, l’été dernier : une découverte effectuée par Christian Pichot, de l’Institut National de la Recherche Agronomique (INRA) à Avignon, Mohammed El Maâtaoui, de l’unité mixte INRA-Faculté des sciences d’Avignon, et deux scientifiques de l’Université de Florence, Sabrina et Paolo Raddi..
A Avignon, les chercheurs avaient déjà observé des caractéristiques étranges des graines de ce cyprès.En effet, leur embryon n’est pas le résultat de la fécondation de gamètes (cellules reproductrices) mâles et femelles, comme c’est normalement le cas chez les végétaux supérieurs : il est directement issu du développement d’un grain de pollen.
L’équipe de scientifiques a étudié des individus issus de croisements contrôlés de cyprès de Duprez et de cyprès de Provence (Cupressus sempervirens) — croisements qui peuvent se produire spontanément dans la nature. Morphologiquement et génétiquement, ont-ils constaté, ces individus sont « rigoureusement identiques » au parent mâle, le cyprès de Duprez.Son grain de pollen ne porte pas la moitié des chromosomes de l’espèce, comme c’est normalement le cas, mais la totalité. Un mâle dupliqué, en quelque sorte !
Jusqu’ici, les botanistes avaient parfois observé, chez certains végétaux, le développement d’un embryon à partir d’un seul parent — phénomène qu’ils nomment apomixie —, mais toujours la mère. « Le mode de reproduction de Cupressus dupreziana représente le seul cas d’apomixie paternelle jamais observé chez les plantes », écrivent les chercheurs
Pour Christian Pichot et ses collègues, cette apomixie constitue probablement une adaptation génétique, sélectionnée au cours de l’évolution, en réponse aux contraintes démographiques qui pèsent sur cette espèce. Dans des populations extrêmement réduites,en effet, la reproduction sexuée habituelle entraîne une forte consanguinité et augmentant le risque d’extinction de l’espèce. L’apomixie, en permettant la reproduction sans fécondation, évite cet écueil. Mais la diversité n’est pas maintenue.

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