lundi 6 novembre 2006

Etude des comportements sexuels sur les 5 continents

Préserver la santé sexuelle des hommes et des femmes dans le monde et limiter la propagation des infections sexuellement transmissibles nécessite de mieux connaître les comportements sexuels et leurs spécificités sociales et géographiques. Afin d’adapter au mieux les programmes de prévention, une équipe de chercheurs britanniques, américains, sud-américains et français (Nathalie Bajos de l’Unité 569 Inserm “Epidémiologie, démographie et sciences sociales : santé reproductive, sexualité et infection à VIH”) vient de compiler les résultats d’études menées dans 52 pays des 5 continents entre 1996 et 2006. Les résultats publiés dans la revue britannique The Lancet montrent que le contexte social  induit de nombreuses disparités de comportements sexuels et de prises de risque dont il faut tenir compte dans les interventions de santé publique, au-delà de la responsabilisation individuelle.

La nécessité de prédire et de prévenir la propagation de l’épidémie de VIH a engendré  un grand nombre d’études sur les comportements sexuels au cours des 20 dernières années. Toutefois, si les données sont nombreuses dans certaines régions du monde telles que l’Afrique, les comportements sexuels sont beaucoup moins documentés dans les pays pour lesquels la prévalence du VIH est faible ou le sexe tabou. C’est notamment le cas de l’Asie. 
 
La dernière décennie a été le théâtre dans nombre de pays de changements socioéconomiques en matière de pauvreté, d’emploi et d’éducation, ou de fluctuations démographiques qui ont influencé sensiblement les comportements sexuels. L’arrivée de nouveaux moyens de communication comme lnternet a également influencé les comportements sexuels en favorisant l’accès à certaines images et informations.

La compilation des études menées sur les comportements sexuels réalisées entre 1996 et 2006 selon des protocoles de recherche comparables permet de dégager pour la première fois des tendances pour 52 pays des 5 continents, et de réfuter certaines croyances et certains mythes persistants. La grande diversité des comportements sexuels observée de par le monde atteste du caractère déterminant du contexte social sur la sexualité.

Quelles sont les tendances dégagées par cette étude mondiale ? 

• Premier rapport sexuel
Contrairement à certaines croyances, il n’y a pas de tendance à l’abaissement progressif de l’âge au moment du premier rapport sexuel, celui-ci se maintenant entre15 et 19 ans avec toutefois de fortes disparités régionales et des différences hommes/femmes. Chez les femmes, le premier rapport sexuel est lié à l’âge moyen au moment du mariage. Il est précoce dans les pays oùl’on se marie très jeune (Asie du Sud et Centrale, Afrique de l’Ouest et de l’Est), plus tardif dans les pays oùl’on se marie plus tard (Amérique Latine et Asie du Sud-Est). Chez les hommes, le premier rapport sexuel n’est pas lié au mariage ; la sexualité démarre plus tard que celle des femmes en Afrique et en Asie. L’âge au premier rapport sexuel est stable ou en augmentation chez les femmes, en lien avec l’augmentation de l’âge au mariage (en Afrique et en Asie du Sud). Chez les hommes on observe une tendance à des rapports sexuels plus précoces en Amérique Latine et en Afrique.

• Sexualité préconjugale
Le report du mariage dans la plupart des pays  a induit une augmentation de la sexualité préconjugale, surtout pour les hommes (3 à 6 ans pour les hommes, 0 à 2 ans pour les femmes). Dans les pays industrialisés, la durée de cette sexualité préconjugale est d’environ 5 ans pour les deux sexes mais l’entrée en union s’y fait beaucoup moins dans le cadre institutionnalisé du mariage. 

• Mariage
Le mariage est la situation familiale la plus répandue dans le monde, et les individus mariés ont une activité sexuelle plus intense que les célibataires. Quant à la sexualité des jeunes célibataires, elle n’est pas si développée qu’on pourrait le croire, mais toutefois plus active dans les pays développés. Le mariage ne protège pas des comportements à risque : les femmes des couples mariés ont plus de mal à imposer l’usage du préservatif que les célibataires et les mariage précoces en Asie font souvent l’objet de premiers rapports forcés.

• Multipartenariat
La monogamie domine dans la plupart des régions ; la multiplicité des partenaires sexuels dans les 12 derniers mois précédent l’étude étant plus fréquente chez les hommes et dans les pays industrialisés. Le « multipartenariat » est plus souvent simultané et de longue durée en Afrique, avec un risque d’infection sexuellement transmissible plus élevé. Les fortes disparités de comportements sexuels relevées entre les hommes et les femmes s’expliquent en partie par une sur-déclaration des hommes et une sous-déclaration des femmes de leur activité sexuelle et par la différence d’âge entre partenaires dans certains pays, en Afrique notamment.

• Usage du préservatif
L’usage du préservatif se répand, avec des taux qui ont fortement augmenté dans certains pays tels que l’Ouganda. Toutefois, son usage reste globalement  faible dans les pays en développement.

Quelles leçons tirer en matière d’actions de prévention?

- Les interventions de santé publique doivent tenir compte des facteurs sociaux qui structurent les comportements sexuels, en particulier les inégalités entre hommes et femmes, la pauvreté, les migrations inter et intra pays...En effet, les difficultés sociales et économiques restreignent souvent les capacités des individus à s’engager dans une activité sexuelle choisie et à contrôler leur santé. De même, la morale, les tabous et les interdits religieux influencent fortement les comportements sexuels et doivent être pris en considération dans toute stratégie de prévention. 

- Les interventions basées sur une éducation sexuelle dispensée en milieu scolaire, lorsqu’elles visent à permettre aux jeunes d’avoir des relations sexuelles au moment où ils en ont vraiment envie et d’accéder facilement aux moyens de prévention, favorisent des pratiques sexuelles moins risquées.

- Etant données les nombreuses composantes sociales des comportements sexuels, aucune mesure générale de promotion de la santé sexuelle ni aucune intervention agissant sur un seul levier de cette sexualité n’est susceptible d’être universellement efficace.

«De tels résultats soulignent la nécessité de dépasser les approches préventives basées exclusivement sur la responsabilisation individuelle. Au-delà de l’offre préventive qui est fondamentale, il faut absolument tenir compte du contexte social en particulier du statut social des femmes qui limite fortement leurs possibilités de s’engager dans la sexualité qu’elles ont choisie et d’adopter des moyens de prévention» conclut Nathalie Bajos.

Source : communiqué de presse Inserm., 1er novembre 2006
Référence : Wellingsa K et al. (2006), Sexual behaviour in context: a global perspective, The Lancet, 368, 9548, 1706-28.


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