vendredi 10 mars 2000

De l’avantage d’avoir bonne mine…

On sait depuis Darwin que la variété et la brillance des couleurs constituent chez les animaux un caractère sexuel secondaire, c’est-à-dire qu’elles présentent un avantage sélectif pour le mâle qui les exhibe. L’exemple le plus connu est sans doute l’extraordinaire plumage des paons : les prétendants déploient leur roue devant les femelles, qui choisissent en général la plus belle — et surtout son porteur ! Il en va de même chez de nombreuses espèces.

Mais en quoi la couleur offre-t-elle un avantage sélectif ? Une des explications les plus couramment avancées repose sur son coût : les mâles colorés sont ceux qui, pouvant se permettre de gâcher de l’énergie pour développer ce caractère, sont les plus vigoureux. En 1982, les biologistes William Hamilton et Marlene Zuck ont formulé la théorie suivante : seuls les mâles sains ou disposant de défenses suffisantes pour résister aux maladies et aux parasites posséderaient la capacité d’exprimer des caractères sexuels secondaires comme la brillance. Il restait à trouver des preuves. Les recherches se sont orientées vers une famille de pigments naturels, les caroténoïdes. Ces pigments rouges, oranges ou jaunes (produisant du violet, du vert ou du bleu par association), peuvent être stockés dans un grand nombre de tissus. Ils sont produits à l’origine par des plantes et des algues : les animaux les intègrent soit directement, soit en consommant des insectes. 

Or, les caroténoïdes n’agissent pas seulement sur la couleur. Ian Owens et Valérie Olson ont démontré que ces pigments jouent un rôle central dans le système immunitaire (prolifération des lymphocytes T et B qui luttent contre les invasions pathogènes), dans la production de cytokine (molécules impliquées dans la réaction immunitaire) et dans le piégeage des dangereux radicaux libres. Anders Moeller, de l’Université Pierre et Marie Curie, a rapproché ces propriétés des caroténoïdes de la théorie de Hamilton et Zuk : les mâles malades ou atteint de parasites utilisent leur réserve de caroténoïdes et leurs couleurs perdent de leur brillance ; ils deviennent dès lors moins attirants pour les femelles, qui choisissent le partenaire le plus sain. C’est-à-dire le plus coloré.

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