L’équipe de recherche
L’enquête « Contexte de la Sexualité en France » a été menée sous la responsabilité scientifique de Nathalie Bajos (Inserm) et de Michel Bozon (Ined), et coordonnée par Nathalie Beltzer (ORS Ile-de-France). Pluridisciplinaire, l’équipe de recherche associe des chercheurs en sociologie, démographie et épidémiologie de l’Inserm, de l’Ined, du CNRS, de l’InVS et de l’Université. L’enquête est réalisée à l’initiative de l’Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales (ANRS).
Rappel sur l’enquête ACSF (1992)
Une première enquête sur les comportements sexuels avait été menée en 1970 auprès de 2 600 personnes. Elle a été suivie en 1992 de l’enquête « Analyse des comportements sexuels en France » (ACSF), menée auprès de 20 000 personnes, sous la responsabilité d’Alfred Spira (Inserm) et coordonnée par Nathalie Bajos (Inserm). L’équipe de recherche comprenait 22 chercheurs de l’Inserm mais aussi de l’Ined, de l’Université et du CNRS. L’enquête, dont nous rappellerons les principaux résultats, avait été financée par l’Agence nationale de recherches sur le Sida (ANRS). Elle avait eu un grand retentissement et donné lieu à de nombreuses publications, qui font encore aujourd’hui référence. Les résultats ont contribué à guider l’élaboration des politiques de prévention de la transmission sexuelle de l’infection à VIH.
Un contexte social et épidémiologique qui s’est profondément transformé depuis les années 1990
Au cours de la décennie 1990, le paysage de la santé publique s’est sensiblement modifié ; les générations qui commencent leur vie sexuelle dans les années 2000 connaissent un contexte profondément différent de celles qui avaient leurs premiers rapports au début des années 90. Les traitements de l’infection à VIH, devenue une maladie chronique, font désormais partie du paysage. La population qui vit avec le VIH tend à vieillir ; pour autant, des contaminations continuent à se produire (6700 en 2005, d’après l’InVS) et l’épidémie affecte de plus en plus des populations précarisées socialement et économiquement. Les homosexuels masculins restent fortement touchés. Les représentations du sida et des risques liés à la sexualité en sont profondément modifiées. Ces évolutions s’accompagnent-elles de changement dans les pratiques préventives, voire d’un relâchement ? Les données actuellement disponibles (enquête KABP 20044, enquête Presse Gay 20045) attestent bien d’une moindre sensibilisation, notamment des jeunes, à l’égard de l’épidémie, mais ne permettent pas d’étudier précisément les pratiques sexuelles et préventives de la population. Pour pouvoir anticiper les évolutions de l’épidémie, il apparaissait important de se donner les moyens d’obtenir des données actualisées sur les comportements sexuels et sur les prises de risque.
Les modifications sociales qu’a connues la société française au cours de cette dernière décennie ne peuvent pas non plus être sans effet sur le contexte de la sexualité. Il faut ainsi prendre en compte la poursuite de l’évolution des structures familiales, les lois sur la parité et leur mise en application, l’apparition du PACS et des débats sur le mariage homosexuel, l’inscription de la question de la violence contre les femmes à l’agenda politique, mais aussi la précarisation de certains groupes sociaux, affectés par le chômage et les difficultés de la vie quotidienne. Une enquête réalisée en Grande Bretagne attestait par exemple de l’influence de l’évolution des structures familiales sur les comportements sexuels et a fortiori sur les prises de risque (Johnson et al, 2001).
L’enquête Contexte de la sexualité en France (2006) : hypothèses et orientations
L’enquête « Contexte de la Sexualité en France » (CSF) a adopté une perspective large. Elle appréhende les trois composantes de la sexualité que sont les actes, les relations et les significations, en les inscrivant à la fois dans les trajectoires individuelles et dans le contexte social. Trois hypothèses centrales ont organisé la recherche :
- (i) les trajectoires sexuelles et conjugales se diversifient (période de jeunesse plus longue, augmentation de la mobilité conjugale, allongement de la vie sexuelle) et les normes s’individualisent, ce qui entraîne une transformation des contextes préventifs.
- (ii) les éléments qui structurent les rapports entre hommes et femmes, en particulier tout ce qui construit une différence de pouvoir entre eux, contribuent à établir un style d’interaction sexuelle et un contexte de gestion du risque et de la prévention, qui ne place pas les partenaires à égalité.
- (iii) le degré de maîtrise que les individus ont de leurs conditions de vie (conditions matérielles, niveau de vie, sociabilité, état de santé) est un facteur déterminant de leur expérience de la sexualité et de leur aptitude à adopter des pratiques préventives.
Dans l’examen des conditions et des conséquences de l’activité sexuelle, une approche de type « Santé et sexualité » a été privilégiée, qui envisage l’infection à VIH mais aussi la contraception, les IVG, les IST (Infections sexuellement transmises), les violences sexuelles, les dysfonctions et autres problèmes sexuels. L’enquête comprend en outre une extension épidémiologique visant à étudier, pour la première fois en France, la prévalence de l’infection à Chlamydiae Trachomatis et les facteurs de risque de la contamination.
Une enquête par téléphone, un échantillon aléatoire
1- Le dispositif
Deux enquêtes pilotes ont été préalablement réalisées en novembre –décembre 2004 et en juin 2005 afin de tester le questionnaire, la formulation des questions, leur enchaînement et la durée.
Le protocole de recueil des données est identique à celui de l’enquête ACSF. Les interviews ont été réalisées par téléphone auprès des personnes âgées de 18 à 69 ans vivant en France métropolitaine et parlant le français.
Une lettre-avis de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, annonçant qu’une personne du foyer serait sélectionnée et interrogée sur la santé et la prévention, a été envoyée quelques jours avant l’enquête. Cette lettre indiquait également que les réponses étaient facultatives et précisait qu’un numéro vert (appel gratuit) était mis à disposition tous les jours de la semaine pour ceux et celles qui souhaitaient davantage d’informations sur le déroulement de l’enquête.
2- Une méthodologie qui a fait ses preuves
La sélection de l’individu repose sur un sondage aléatoire en deux phases avec une post- stratification sur l’âge. La méthodologie proposée s’appuie sur le protocole mis au point dans l’enquête ACSF, qui a été ultérieurement repris dans d’autres enquêtes. Une procédure de tirage complexe a permis de constituer un échantillon de coordonnées téléphoniques couvrant les abonnés inscrits sur liste blanche et sur liste rouge. De plus, pour assurer au maximum la représentativité de l’échantillon total, les personnes qui ne disposaient que de téléphones mobiles ont également été incluses dans l’échantillon.
Les numéros de téléphone étaient composés par un automate d’appel de telle sorte que l’enquêteur ne connaissait pas le numéro appelé et dès la première question du questionnaire cette indication était supprimée du fichier des réponses. En cas d’absence, les numéros de téléphone étaient composés jusqu’à 15 fois tous les jours de la semaine entre 13 et 21 heures et le samedi entre 10 et 16 heures. D’autres plages horaires étaient prévues pour les personnes les plus difficilement joignables. Une fois le ménage joint, la deuxième phase consistait à sélectionner, selon la méthode anniversaire, l’individu à interroger au moment du contact téléphonique parmi l’ensemble des adultes éligibles de 18 à 69 ans habitant ce domicile. Par ailleurs, afin de pouvoir étudier avec plus de précision les comportements de la population la plus exposée ou concernée par les risques sanitaires liés à la sexualité (VIH, IST, grossesses non prévues), ainsi que les conditions d’entrée dans la sexualité, les adultes âgés de moins de 40 ans ont été sur-représentés. Au total, 12 364 individus ont été interrogés, dont 304 qui ne disposaient que d’un téléphone mobile.
3- Un questionnaire détaillé
Le questionnaire explorait les caractéristiques sociales et démographiques des individus et de leurs partenaires, les conditions de vie, les problèmes de santé chronique, les opinions et représentations sur la sexualité, la socialisation à l’adolescence, l’entrée dans la sexualité, la biographie affective entre le premier rapport et la mise en couple, les ruptures survenues dans les cinq dernières années, le nombre de partenaires dans la vie et dans les périodes récentes, les pratiques sexuelles expérimentées, les caractéristiques du dernier rapport sexuel, les rapports sexuels imposés, les échecs de contraception, les troubles de la sexualité et les infections sexuellement transmissibles. L’entretien durait en moyenne 49 minutes. Cette durée était trop longue pour interroger les personnes par téléphone mobile. Une version plus courte de ce questionnaire (environ 19 minutes) a donc été proposée à l’échantillon des personnes détentrices exclusivement de téléphones mobiles ainsi qu’à 1655 abonnés inscrits sur liste blanche et sur liste rouge. La version courte reprend, outre les caractéristiques sociodémographiques et de santé des personnes interrogées, les principaux indicateurs de la biographie sexuelle. A la fin de l’entretien téléphonique, un dépistage par auto-prélèvement urinaire ou génital était systématiquement proposé à toutes les personnes sexuellement actives de moins de 25 ans, aux personnes âgées de 25 à 44 ans qui avaient eu un nouveau partenaire ou plus d’un partenaire dans l’année, ainsi qu’à un groupe témoin du même âge n’ayant pas eu de nouveau partenaire dans l’année. Ce volet complémentaire de l’enquête CSF, appelé NatChla, réalisé sous la responsabilité de Véronique Goulet (InVS) et Josiane Warszawski (Inserm-6 Paris XI), en collaboration avec le Centre National de référence des chlamydiae (Université Bordeaux 2), avait comme objectif principal d’estimer pour la première fois en France la prévalence des infections à Chlamydia trachomatis (CT) dans la population générale adulte.
4- Les enquêteurs
Les entretiens ont été réalisés par 61 enquêteurs (29 femmes et 32 hommes) de l’institut de sondage IPSOS. Ces enquêteurs étaient encadrés par 5 responsables de terrain. Répartis en trois groupes, les enquêteurs ont tous bénéficié, à un mois d’intervalle, d’une formation de deux jours minimum assurée par l’équipe de recherches. Cette formation avait pour objectif de leur présenter le contexte, les objectifs et la méthodologie de l’enquête, de les informer sur le sida et les infections sexuellement transmissibles, et enfin de les familiariser avec le questionnaire. Ils se sont ainsi appropriés le questionnaire en simulant, au moyen de jeux de rôles, des situations plus ou moins complexes. Des réunions avec les enquêteurs et les chercheurs ont été régulièrement organisées pour faire le point sur le déroulement de l’enquête.
5- La collecte des données
Le recueil des données a démarré le 27 septembre 2005 et s’est terminé le 24 mars 2006. Au total, 12 364 questionnaires ont été collectés. Pendant toute cette période, des chercheurs de l’équipe ont été présents quotidiennement, à tour de rôle, au sein de l’institut, afin non seulement de suivre le travail des enquêteurs, mais également de les aider en cas de problème au moment de l’entretien.
6- Bilan de l’enquête : un taux de réponse élevé
L’enquête CSF se caractérise par un taux de réponse particulièrement satisfaisant (74,6 %). Ce bon taux provient d’un faible taux de refus des ménages et des individus à participer à l’enquête. Au moment du contact avec le foyer, seuls 6,1 % des ménages ont refusé de procéder à la sélection de la personne à interroger au sein de leur foyer, empêchant la poursuite du questionnaire. Ensuite, parmi les individus sélectionnés au sein du ménage pour participer à l’enquête, 15,7 % ont refusé de répondre. Enfin 452 personnes seulement ont interrompu le questionnaire avant d’avoir répondu à l’ensemble des questions, soit 3,6 % des questionnaires débutés. Le taux d’abandon est moins élevé pour les questionnaires courts (2 %) que pour les questionnaires longs (3,9 %). Le taux de refus des personnes possédant exclusivement un téléphone portable est plus élevé que celui des personnes interrogées par téléphone fixe, puisque plus d’une sur trois (37,5 %) a refusé de répondre au questionnaire.
Fiabilité des réponses dans les enquêtes sur la sexualité
La fiabilité des réponses est un enjeu central dans toutes les enquêtes scientifiques, en particulier lorsqu’il s’agit de sujets sensibles. L’enquête CSF est la troisième grande recherche nationale qui aborde la sexualité, dans la lignée de l’enquête de 1970 (Simon et coll) et de celle de 1992 (Spira, Bajos et al., cité dans la note 1). Elle s’appuie sur les enseignements méthodologiques de ces recherches et de celles menées à l’étranger sur le même sujet.
Nombre de précautions ont ainsi été prises pour permettre d’obtenir des réponses fiables, c’est-à-dire des réponses qui reflètent les pratiques et opinions des personnes interrogées et non celles qu’elles pensent socialement valorisantes.
En premier lieu, l’anonymat de l’enquête est une condition fondamentale pour que les personnes se sentent véritablement en confiance. Ce point était précisé dans la lettre- annonce, puis expliqué immédiatement par l’enquêteur au moment de l’appel téléphonique et rappelé avant le début des questions sur la vie sexuelle.
En second lieu, la lettre-annonce de l'Inserm indiquait qu’il s’agissait d’une recherche scientifique ayant pour objectif d’aider à mieux définir la prévention. Nombre de personnes sollicitées ont ainsi accepté de contribuer à une entreprise qu’elles percevaient comme utile et compris l’enjeu de donner des réponses précises.
Par ailleurs, les enquêteurs ont tous été formés aux enjeux scientifiques et éthiques de cette recherche par les chercheurs de l’équipe eux-mêmes. Il était demandé à la personne interrogée de bien vouloir s’isoler pour répondre à l’enquête et aucune réponse ne pouvait être interprétable par une tierce personne éventuellement présente au moment de l’entretien (ex : d’accord /...pas du tout d’accord, oui/non/ je ne sais pas, 0/1/2/3 ou plus etc...).
Les analyses menées a posteriori attestent d’une grande cohérence des réponses, pour un même individu tout au long du questionnaire, et au regard des résultats obtenus dans d’autres enquêtes en France et à l’étranger. Les réponses apportées ne sont pas liées aux caractéristiques des enquêteurs.
A la fin de l’entretien téléphonique, les personnes ont déclaré que l’enquête les avait intéressées dans près de 90 % des cas. Le taux d’abandon en cours d’enquête s’est d’ailleurs avéré très faible (3,6 %).
PREMIERS RESULTATS
Age au premier rapport sexuel : une baisse dans les années 2000
L’enquête CSF de 2006 couvre une cinquantaine de générations, des personnes nées dans la seconde moitié des années 1930 à celles qui sont nées dans la seconde moitié des années 1980. En un demi-siècle, l’âge médian6 des hommes au premier rapport sexuel s’est abaissé d’un an et demi (de 18,8 ans pour les générations âgées aujourd’hui de 65 à 69 ans, à 17,2 ans pour les plus jeunes), alors que celui des femmes, initialement beaucoup plus élevé (20,6 ans), a chuté de trois ans (17,6 ans pour les femmes âgées de 18 ou 19 ans). Il en résulte un rapprochement des âges des hommes et des femmes au premier rapport. Alors que chez les plus âgés les femmes connaissaient leur initiation sexuelle deux ans plus tard en moyenne que les hommes, il n’y a plus aujourd’hui que quelques mois de différence (0,4 an). Ce sont les femmes qui ont vécu les plus grands changements, et ils se sont produits dans les années 1960 et dans les années 1970. La baisse de l’âge au premier rapport a donc débuté avant que les moyens de contraception médicale ne se diffusent. On ne peut pas dire non plus que cette baisse ait été un « résultat » du mouvement de 1968. C’est sans doute le contraire : les événements de 1968 ont exprimé des changements qui étaient déjà en train de se produire. Dans les années 1980 et 1990, alors que l’infection à VIH se diffuse, l’âge au premier rapport se stabilise pour les hommes, comme pour les femmes. Enfin, dans les années 2000, une nouvelle tendance à la baisse se dessine, d’abord chez les hommes, puis chez les femmes. On ne peut pas encore dire si elle se poursuivra.
Dans les générations les plus anciennes, les premiers rapports sexuels avaient des significations bien différentes pour les femmes et pour les hommes. Pour les femmes de 60 à 69 ans, 70 % des premiers partenaires étaient ou sont devenus des conjoints. Ce n’était le cas que de 33 % des premières partenaires des hommes du même âge ; celles-ci étaient plus souvent des partenaires occasionnelles. Aujourd’hui les expériences des hommes et des femmes se sont rapprochées, mais ne coïncident toujours pas. Parmi les femmes âgées de 20 à 24 ans, elles ne sont plus que 20 % à avoir eu leur premier rapport avec quelqu’un qui est devenu leur conjoint, mais c’est toujours plus que les hommes (6 % seulement ont vécu en couple avec leur première partenaire).
Une augmentation du nombre de partenaires sexuels des femmes, mais l’écart avec les hommes reste important
Les femmes déclarent avoir eu moins de partenaires au cours de leur vie que les hommes. Ainsi 47,3 % d’entre elles disent avoir eu au moins deux partenaires, contre 70,7 % des hommes. Cette différence femmes/hommes est encore plus marquée pour celles et ceux qui déclarent avoir eu de nombreux partenaires sexuels : 10,9 % des femmes et 35,4 % des hommes déclarent avoir eu au moins 10 partenaires sexuels au cours de leur vie. Il en résulte que les nombres moyens de partenaires sexuels des femmes et des hommes apparaissent très différents : 4,4 pour les femmes versus 11,6 pour les hommes en 2006
Si l’on compare ces résultats avec ceux des enquêtes de 19708 et de 1992, des évolutions sensibles sont enregistrées dans les déclarations des femmes (1,8 en 1970, 3,3 en 1992, 4,4 en 2006) alors que les déclarations des hommes restent stables (11,8 en 1970, 11,0 en 1992 et 11,6 en 2006). Une telle évolution traduit une plus grande facilité aujourd’hui à rapporter une vie sexuelle diversifiée, liée à l’accroissement de l’autonomie sociale des femmes.
De tels écarts entre les femmes et les hommes traduisent avant tout le fait que les hommes comptent généralement l’ensemble de leurs partenaires, alors que la plupart des femmes ne retiennent quant à elles que les partenaires qui ont compté dans leur vie et qui correspondent à ce qu’elles estiment qu’une relation doit être. Ces écarts sont à mettre en perspective avec des représentations sociales fondées sur une dichotomie persistante qui, même si elle est moins marquée qu’il y a quelques années, attribue aux femmes une sexualité cantonnée aux registres de l’affectivité et de la conjugalité et aux hommes une sexualité axée sur le désir et la dimension physique.
Les nombres moyens de partenaires des femmes et des hommes au cours des douze derniers mois s’élèvent respectivement à 1,0 et 1,3. Les femmes rapportent moins que les hommes avoir eu au moins 2 partenaires au cours de la période : 7,1 % des femmes et 12,5 % des hommes. Ces proportions sont les plus élevées aux âges jeunes qui correspondent aux périodes de recherche de partenaires : elles atteignent leur maximum à 18-19 ans pour les femmes (22,3 %) et pour les hommes à 20-24 ans (31,7 %). Au-delà de 25 ans, phase de la vie où la grande majorité des personnes sont en couple, les proportions de personnes qui ont plus d’un partenaire diminuent progressivement et se rapprochent entre femmes et hommes.
Fréquence de l’activité sexuelle : une augmentation chez les femmes de plus de cinquante ans
Interrogés sur la fréquence de leurs rapports au cours des quatre dernières semaines, les femmes et les hommes donnent des réponses très concordantes. Parmi les personnes ayant eu des rapports sexuels dans les 12 derniers mois (87,2 % des femmes et 91,4 % des hommes), le nombre mensuel moyen de rapports est de 8,7 pour les deux sexes. Les résultats sont très voisins de ceux de l'enquête de 1970 et de ceux de 1992. La fréquence des rapports sexuels diminue progressivement à partir de 25 ans chez les femmes et dès 20 ans chez les hommes. Des évolutions sensibles sont enregistrées chez les personnes âgées de plus de 50 ans, en particulier chez les femmes : les femmes en couple de plus de 50 ans n’étaient que 53 % à déclarer une activité sexuelle dans les 12 derniers mois dans l’enquête de 1970, elles étaient 77 % dans l’enquête de 1992 et sont près de 90 % aujourd’hui. La proportion des hommes en couple de plus de 50 ans qui ont une activité sexuelle s’élève également, mais beaucoup moins depuis l’enquête de 1992.
Chez les femmes de plus de 50 ans, la fréquence des rapports sexuels augmente également : alors que dans l’enquête de 1992, les femmes en couple de 50-69 ans déclaraient avoir eu 5,3 rapports par mois, ce chiffre passe à 7,3 aujourd’hui, tandis qu’aucune évolution n’est observée chez les hommes du même âge (7,2 dans les deux enquêtes). L’activité sexuelle des femmes les plus âgées continue ainsi à s’accroître, tendance qui se dessinait dès le début des années 70.
La fréquence des rapports n’est pas liée seulement à l’âge. Elle diminue également lorsque la durée de la relation augmente : de 12 rapports par mois déclarés par les femmes et les hommes dont la relation date de moins de 6 mois, on passe à 8 quand la relation dure depuis plus de 5 ans.
Les périodes sans activité sexuelle sont loin de représenter des phases exceptionnelles. Ainsi, 16 % des femmes et 15 % des hommes en couple depuis plus d’un an rapportent n’avoir eu aucun rapport sexuel pendant au moins trois mois consécutifs lors de l’année qui vient de s’écouler. Quand la relation dure depuis 2-3 ans, 13 % des femmes et 10 % des hommes déclarent ne pas avoir eu de rapports sexuels pendant au moins 3 mois, et 17 % des femmes et 16 % des hommes lorsqu’elle dure depuis plus de 6 ans. Plus la durée de la relation augmente, plus les périodes sans activité sexuelle sont fréquentes.
Homosexualité : augmentation chez les femmes, stabilité chez les hommes
Au total, 4,0 % des femmes et 4,1 % des hommes de 18 à 69 ans déclarent avoir déjà eu des pratiques sexuelles avec un partenaire du même sexe.
Une augmentation est enregistrée chez les femmes (2,6 % chez les femmes de 18-69 ans en 1992) alors que les déclarations sont similaires à celles enregistrées dans l’enquête ACSF pour les hommes (4,1 % chez les hommes de 18-69 ans en 1992). Une telle évolution s’inscrit dans un mouvement général de déclaration d’une activité sexuelle de plus en plus diversifiée des femmes, qui s’observe à travers nombre d’indicateurs.
Comme dans les enquêtes de 1970 et de 1992, celles et ceux qui déclarent avoir eu au moins une fois des pratiques sexuelles avec une personne du même sexe disent également dans leur très grande majorité avoir eu des pratiques sexuelles avec des personnes de l’autre sexe (seuls 0,3 % des femmes et des hommes n’ont eu au cours de leur vie que des pratiques sexuelles avec des personnes du même sexe). Parmi les personnes qui rapportent avoir déjà eu des pratiques homosexuelles, 13,4 % des femmes et 12,4 % des hommes ne rapportent de telles expériences qu’avant l’âge de 18 ans.
Les déclarations de pratiques sexuelles avec une personne du même sexe varient sensiblement selon les générations : les femmes et les hommes nés avant le milieu des années 50 (âgés de plus de 50 ans à l’enquête) déclarent moins souvent avoir vécu ce type d’expérience. L’homosexualité est beaucoup moins acceptée dans ces générations, ce qui affecte la mémoire des expériences vécues et les déclarations. Ces déclarations varient également selon le lieu de résidence. Ainsi, 6,0 % des femmes et 7,5 % des hommes habitant dans l’agglomération parisienne déclarent avoir déjà eu ce type de pratique contre respectivement 3,2 % et 2,9 % pour celles et ceux qui habitent dans des communes rurales. Les pourcentages enregistrés dans l’agglomération parisienne atteignent leur maximum chez les femmes de 40-49 ans (8,1 %) et chez les hommes de 35-39 ans (6,6 %), et plus encore chez les Franciliens de ces âges qui déclarent un niveau d’étude supérieur à Bac +2 (11,4 % et 14,6 % respectivement), ce qui traduit en partie les parcours sociaux particuliers que doivent emprunter les personnes homo-bisexuelles pour vivre dans des environnements plus tolérants.
Une part des personnes qui ont eu des rapports homo-bisexuels dans leur vie n’en n’ont plus actuellement. Ainsi, au cours des 12 derniers mois, seulement 1,0 % des femmes et 1,6 % des hommes déclarent avoir eu des rapports sexuels avec une personne du même sexe. Cependant ces proportions se sont élevées depuis l’enquête de 1992, où elles n’étaient que de 0,4 % et 1,2 % respectivement.
Homosexualité : une acceptation plus forte malgré des résistances
Interrogées sur leurs opinions à l’égard de l’homosexualité, la majorité des personnes considèrent que l’homosexualité est « une sexualité comme une autre ». L’acceptation de l’homosexualité est plus marquée chez les femmes et chez les personnes nées après le milieu des années 50. Les hommes de générations plus anciennes adhèrent davantage à une vision « pathologique » de l’homosexualité et sont 40 % à 60-69 ans à considérer qu’il s’agit d’une sexualité « contre nature ». Cette attitude intolérante est toujours présente chez certains hommes jeunes (21 % des 18-24 ans), bien plus que chez les femmes du même âge (10 %). Cette différence entre hommes et femmes traduit la peur qu’ont certains hommes de voir leur identité masculine remise en cause.
L’acceptation de l’homosexualité reste ainsi problématique dans certains milieux. Si les déclarations de pratiques homosexuelles sont les plus faibles dans les générations 1936-1956 (50-69 ans à l’enquête), c’est aussi parce que les représentations négatives de l’homosexualité sont plus répandues dans ces générations.
Les déclarations d’expériences homosexuelles doivent ainsi être considérées comme des estimations minimales de ces comportements dans la population résidant aujourd’hui en France.
Pratiques sexuelles : convergences et divergences entre femmes et hommes
Si la pénétration vaginale est ou a été pratiquée par tous ceux qui déclarent avoir eu des rapports sexuels, d’autres pratiques sexuelles sont moins courantes, pour diverses raisons. Les individus peuvent appartenir à des générations plus anciennes qui n’avaient pas encore incorporé ces pratiques dans leur répertoire. Ils peuvent inversement être trop jeunes et n’en avoir pas encore fait l’apprentissage. Ils peuvent enfin avoir expérimenté la pratique, mais ne plus la pratiquer (vieillissement, absence de partenaire...). Enfin, ces pratiques peuvent être sous-déclarées par certaines personnes dans une enquête.
Plus de 90 % des hommes disent avoir déjà pratiqué la masturbation, contre seulement 60 % des femmes. Même si les femmes déclarent plus souvent cette pratique que dans l’enquête ACSF (42 % des femmes en 1992 disaient s’être déjà masturbé), la masturbation est encore largement étrangère à l’expérience d’une bonne part des générations anciennes. Par ailleurs, c’est une pratique qui n’entre éventuellement dans le répertoire sexuel des femmes qu’à l’âge adulte : entre 18 et 24 ans, une femme sur deux déclare ne s’être encore jamais masturbé, contre un tiers entre 25 et 49 ans. On arrive alors à la proportion d’une femme sur cinq qui se masturbe régulièrement (dans les douze derniers mois). Pour les hommes en revanche, la masturbation est une sorte de tout premier contact avec la sexualité. Elle est expérimentée assez tôt, de manière à peu près universelle, puisque 90 % des hommes, dans toutes les générations, l’ont pratiquée. Une pratique régulière est présente chez près de la moitié des hommes jusqu’à 40 ans, puis la fréquence baisse avec l’âge.
Les pratiques de sexualité orale, cunnilingus et fellation, sont déclarées dans les mêmes proportions par les femmes et par les hommes. Elles ont connu une diffusion spectaculaire dans les années 1970 et 1980, et celle-ci s’est poursuivie dans les années 1990 et 2000. Ainsi plus de 80 % des femmes déclarent avoir expérimenté ces pratiques, en nette augmentation par rapport à 1992. En 1992, 48 % des femmes de 55 à 69 ans disaient encore n’avoir jamais pratiqué la fellation (enquête ACSF). D’après l’enquête de 2006, la proportion de celles qui l’ignorent n’est plus que de 29 % pour cette tranche d’âge, alors que 30 % disent désormais la pratiquer régulièrement. La proportion de celles qui pratiquent la fellation s’accroît rapidement avec l’âge, et dès 25 ans deux tiers des femmes déclarent une pratique régulière. Les déclarations des hommes sont très proches de celles des femmes, sauf aux âges plus jeunes (les hommes commencent plus tôt) et aux âges plus élevés (plus de femmes que d’hommes n’ont jamais eu d’expérience de la fellation).
Un peu plus fréquent que la fellation, le cunnilingus a été expérimenté par 85 % des hommes et des femmes. Il s’est diffusé parallèlement à la fellation ; entre 25 et 49 ans, 70 % des uns et des autres pratiquent cette activité souvent ou parfois. Fellation et cunnilingus sont devenus une composante très ordinaire du répertoire sexuel.
Ce n’est pas le cas de la pénétration anale. Même si les personnes qui déclarent l’avoir pratiquée au moins une fois dans leur vie sont plus nombreuses qu’elles ne l’étaient dans l’enquête de 1992, elles restent une minorité. En 1992, seulement 24 % des femmes et 30 % des hommes déclaraient en avoir fait l’expérience, alors qu’en 2006, ils sont respectivement 37 % et 45 %. Cette hausse correspond sans doute autant à plus grande facilité à déclarer qu’à une augmentation de fait. Même si elle se diffuse, la sodomie reste une pratique plus occasionnelle que régulière : entre 25 et 49 ans, les femmes sont seulement 12 % à dire qu’elles la pratiquent souvent ou parfois, alors que la proportion d’hommes entre 20 et 49 ans qui la pratiquent régulièrement se situe entre 15 et 18 %. Cette pratique, qui n’est pas ignorée des générations plus anciennes (puisque parmi les personnes de plus de 60 ans, 26 % des femmes et 34 % des hommes l’ont expérimentée), se diffuse lentement, mais sans devenir une composante ordinaire de la sexualité des couples. En témoigne le fait qu’elle est plus difficilement déclarée par les femmes que par les hommes.
Un nouveau scénario, les sites de rencontre sur Internet
Les nouveaux moyens de communication font désormais partie du scénario des rencontres affectives et sexuelles. Plus de 10 % des personnes interrogées (10 % des femmes, 13 % des hommes) se sont déjà inscrites à des sites de rencontre sur Internet. Dans la mesure où il s’agit d’une nouvelle technologie, autant que d’un mode de rencontre, il n’est pas étonnant de trouver que ce sont les jeunes qui se connectent le plus (près du tiers des jeunes de 18 à 24 ans se sont déjà connectés). Chez les plus jeunes, la proportion de filles qui se connectent est égale à celle des garçons, voire supérieure chez les 18-19 ans (36 % et 24 % respectivement). En revanche, entre 25 et 39 ans, les hommes sont deux fois plus nombreux à se connecter.
Cette participation à des sites de rencontre se prolonge en des rencontres sexuelles : entre 4 et 6 % des femmes de 18 à 34 ans ont déjà eu des rapports avec des partenaires rencontrées par Internet, et chez les hommes entre 7 et 10 % de ceux qui ont entre 18 et 39 ans. Il est vraisemblable que l’usage de ce mode de rencontre va peu à peu s’étendre à des groupes plus âgés, tout en continuant à se diffuser chez les plus jeunes. L’enquête menée en 2006 donne la photographie d’un paysage qui est sans doute appelé à se transformer rapidement.
La diffusion de l’échangisme est à la fois plus modeste et présente un profil différent. Au total, seulement 1,7 % des femmes et 3,6 % des hommes disent avoir fréquenté un lieu échangiste pendant leur vie. Ce ne sont pas les jeunes, mais plutôt des personnes entre 25 et 49 ans qui connaissent cette expérience (2,5 % des femmes et 4,5 % des hommes disent l’avoir fait). La proportion plus élevée d’hommes rappelle que l’échangisme n’est pas seulement une affaire de couples, mais souvent une affaire d’hommes seuls. Il existe un écart important entre la proportion de celles et ceux qui ont fréquenté un lieu échangiste et le nombre de celles et ceux qui ont eu des rapports sexuels avec des partenaires rencontrés dans ces lieux : ainsi seule une visiteuse de lieux échangiste sur trois a eu des rapports sexuels à cette occasion, alors que c’est le cas de trois hommes sur cinq (0,6 % des femmes et 2,2 % des hommes). L’enquête de 1992 comprenait une question sur « l’échange de partenaires entre couples ». A l’époque, 1 % des femmes et 4 % des hommes disaient pratiquer l’échangisme ainsi défini. En 2006, les adeptes de l’échangisme ne sont donc pas plus nombreux que 15 ans auparavant. L’échangisme est resté une pratique très minoritaire.
Le recours à la prostitution ne diminue pas
Le recours à la prostitution ne semble pas être en voie de recul chez les hommes. Selon l’enquête de 1992, 3,3 % des hommes avaient eu un rapport sexuel avec une prostituée dans les 5 ans, et c’est encore le cas de 3,1 % des hommes en 2006. Ce sont toujours les hommes entre 20 et 34 ans qui représentent la plus forte clientèle (près de 5 % des hommes à ces âges). De fortes variations selon l’environnement géographique sont observées : alors que seulement 4 % des hommes de 20 à 34 ans qui demeurent dans des communes de moins de 5000 habitants avaient eu recours à la prostitution dans les 5 ans, c’est le cas de 11,6 % des hommes de cet âge demeurant dans l’agglomération parisienne.
Le taux de recours à la prostitution dans la vie est un cumul de toutes les expériences à divers âges. Après cinquante ans, plus d’un homme sur quatre a eu au moins un rapport sexuel payé dans sa vie. Vu l’importance de la proportion d’hommes jeunes qui recourent à la prostitution, il n’est pas certain que ce chiffre soit amené à baisser rapidement à l’avenir.
Dysfonctions sexuelles : pas si souvent un problème
Les personnes ont été interrogées sur les difficultés qu’elles rencontraient dans leur vie sexuelle. Une minorité de personnes disent avoir rencontré souvent des difficultés au cours des douze derniers mois. Ainsi, à la question « Au cours des 12 derniers mois, avez vous eu une absence ou insuffisance de désir sexuel ? », 6,8% des femmes et 1,9 % des hommes répondent « souvent », et 29 % des femmes et 20,1 % des hommes répondent « parfois ». Si l’on se réfère aux difficultés à atteindre l’orgasme pour les femmes ou aux problèmes d’érection pour les hommes, les tendances sont les mêmes.
Les difficultés qui renvoient à l’absence ou à l’insuffisance de désir sont d’autant plus citées que les personnes sont âgées, tant pour les femmes que pour les hommes. Il en va de même chez les hommes de la difficulté à obtenir une érection (1 % de souvent et 7 % de parfois chez les 18-24 ans contre 6 % de souvent et 30 % de parfois chez les 60-69 ans). En revanche, les difficultés à atteindre l’orgasme sont plus fréquemment déclarées par les femmes jeunes (11,4 % souvent et 22,2 % parfois chez les 18-24 ans) et les femmes plus âgées (13,9 % souvent et 36,8 % souvent chez les 60-69 ans). Ces données traduisent des difficultés liées à l’apprentissage de la sexualité chez les jeunes, et les effets conjugués de la durée de la relation et du vieillissement chez les plus âgés.
Rapporter de telles difficultés ne signifie pas nécessairement qu’elles représentent un véritable problème dans la sexualité des personnes interrogées. Alors qu’entre une personne sur deux et trois personnes sur quatre qui déclarent avoir souvent l’une de ces difficultés estiment que « c’est un problème pour leur sexualité », ce n’est plus le cas que d’une personne sur trois environ parmi celles qui déclarent avoir parfois ce type de difficultés. Ces premiers résultats conduisent à s’interroger sur l’amalgame fréquemment proposé entre les réponses « souvent » et « parfois » car ces réponses semblent bien renvoyer à des enjeux différents.
Le préservatif : une diffusion large, mais encore incomplète
Les jeunes utilisent largement le préservatif à l’entrée dans la sexualité. Ainsi, 89 % des femmes et 88 % des hommes âgés entre 18 et 24 ans ont utilisé un préservatif au premier rapport, alors que ce n’était le cas que de 9,9 % des femmes et 8,3 % des hommes de 60 à 69 ans.
L’utilisation du préservatif au premier rapport est plus faible chez les femmes et les hommes sans diplôme : les femmes entre 18 et 30 ans sans diplôme sont 77,2 % à rapporter avoir utilisé un préservatif contre 85,8 % des diplômées du supérieur, ces chiffres s’élevant respectivement à 78,9 % et 87,9 % chez les hommes.
Contrairement à l’idée répandue selon laquelle les femmes et les hommes qui entrent précocement dans la sexualité adopteraient moins fréquemment des pratiques de prévention, l’utilisation du préservatif au premier rapport varie peu avec l’âge du premier rapport. Seules les personnes qui débutent tardivement leur vie sexuelle (après 20 ans pour les femmes et 19 ans pour les hommes) déclarent moins fréquemment avoir utilisé un préservatif lors de leur premier rapport sexuel. Ainsi, les femmes de moins de 30 ans sont 86 % à avoir utilisé un préservatif lorsque ce premier rapport a eu lieu avant 16 ans, 88,4 % lorsqu’il a lieu entre 16 et 19 ans, alors que celles qui ont commencé leur vie sexuelle à 21 ans ou plus sont 68,2 % à avoir utilisé un préservatif. Ces chiffres s’élèvent respectivement à 80,3 %, 88,4 %, et 74,9 % pour les hommes de moins de 30 ans.
L’utilisation du préservatif est plus fréquente lorsque le premier rapport sexuel a eu lieu après la fin des années 80, attestant d’un succès certain des campagnes de prévention : ainsi 82,5 % des femmes et 87,5 % des hommes ayant eu leur premier rapport après 2000 ont déclaré avoir utilisé un préservatif à ce moment là ; un seuil semble avoir été atteint depuis lors.
L’utilisation du préservatif est loin d’être systématique chez les personnes qui commencent une relation avec un nouveau partenaire ou chez celles qui ont eu au moins deux partenaires dans les douze derniers mois. On observe toutefois que les personnes qui ont eu au moins trois partenaires se protègent davantage que celles qui n’en ont que deux. Par ailleurs l’utilisation du préservatif est plus fréquemment rapportée par les hommes qui ont eu des pratiques homosexuelles que par ceux qui ont eu des pratiques exclusivement hétérosexuelles. Le nombre de partenaires n’est pas à lui seul un indicateur suffisant pour rendre compte du risque d’IST.
Les femmes rapportent une moindre utilisation du préservatif que les hommes lorsqu’elles ont des relations avec de nouveaux partenaires. L’écart entre les déclarations des hommes et des femmes atteste pour partie des difficultés auxquelles sont confrontées certaines femmes à négocier l’utilisation du préservatif, surtout lorsqu’elles vivent une sexualité socialement peu acceptée ou qu’elles perçoivent comme telle.
Une personne sur deux a fait un test de dépistage
Au total, 50,2 % des femmes (28,5 % une fois et 21,7 % plusieurs fois) et 45,2 % des hommes (25,7 % une fois et 19,5 % plusieurs fois) déclarent avoir effectué au moins un test de dépistage du virus du sida au cours de leur vie, soit près de deux fois plus que dans l’enquête de 1992.
Ils sont un peu plus de 11 % à l’avoir fait au cours des douze derniers mois (11,2 % des femmes et 11,5 % des hommes), proportion stable par rapport à 1992 (14 % de femmes et 13 % des hommes). Le recours au test dans l’année est plus fréquent chez les jeunes : 21,1 % des femmes et 17,1 % des hommes âgés entre 18 et 24 ans ont effectué un test dans l’année contre 3,2 % et 6,4 % de ceux de 50 à 69 ans. Les personnes qui ont eu plusieurs partenaires dans les douze mois sont plus nombreuses à avoir effectué un test dans l’année que celles qui n’ont qu’un seul partenaire.
Les jeunes générations connaissent moins de personnes séropositives
Parmi les personnes interrogées, 13,1 % déclarent (13,4 % des femmes et 12,8 % des hommes) connaître personnellement une ou plusieurs personnes séropositives, proportion identique à celle observée dans l’enquête de 1992. En revanche, alors que les personnes interrogées il y a 15 ans déclaraient dans 94 % des cas qu’il s’agissait d’une connaissance proche, c’est-à-dire un parent, un ami, un collègue de travail, un partenaire sexuel ou un ancien partenaire, elles ne sont plus que 63 % en 2006. Ces données confirment la moindre visibilité sociale du sida, déjà soulignée dans les précédentes enquêtes sur les connaissances, attitudes, croyances et pratiques face au sida (notamment l’enquête ANRS-KABP de 2004). Ce sont les personnes des générations entre 25 et 49 ans qui sont les plus nombreuses à déclarer connaître une personne séropositive : elles sont un peu plus de 15 % dans ce cas, alors que seulement 9,5 % des femmes et 8,2 % des hommes de 18-24 ans disent en connaître. La proximité subjective à l’égard de la maladie est fortement liée à la perception d’un risque personnel de contamination par le virus du sida : les femmes et les hommes qui connaissent une personne séropositive sont en effet plus nombreux à déclarer avoir déjà craint d’avoir déjà été contaminés. Et les jeunes, moins nombreux à penser connaître une personne contaminée, sont aussi aujourd’hui moins nombreux que leurs aînés à déclarer craindre d’avoir déjà été contaminés par le virus du sida.
L’infection à Chlamydia Trachomatis : une infection sous-dépistée
L'infection à Chlamydia trachomatis est la plus fréquente des infections sexuellement transmissibles bactériennes et représente la première cause d’infertilité tubaire. Cette infection est très souvent asymptomatique chez l'homme comme chez la femme ; en l'absence de traitement, les individus peuvent être porteurs de Chlamydia trachomatis pendant plusieurs semaines, voire plusieurs mois pour les femmes. Du fait de son caractère asymptomatique, cette infection est le plus souvent non diagnostiquée et non traitée, alors qu’il existe un traitement simple. Afin d'estimer la prévalence de cette infection en population générale et de rechercher des critères permettant d'identifier les personnes ayant une infection asymptomatique, un dépistage de l'infection à Chlamydia trachomatis a été proposé à un sous- échantillon de personnes de 18-44 ans. 52 % des personnes sollicitées ont eu ce dépistage en envoyant un prélèvement réalisé à domicile au laboratoire du Centre National de Référence des Chlamydiae.
La prévalence sur l'ensemble de la population des 18-44 ans est de 1,5 % (IC95 % :1,0- 2,1). Elle est trois plus élevée que la proportion d’antécédents d’infection à Chlamydia trachomatis rapportés spontanément au cours des 5 dernières années par les personnes interrogées, soulignant l’importance du sous-dépistage. Chez les femmes, la prévalence est maximale chez les jeunes de 18-24 ans (3,6 %), diminue chez les 25-29 ans (2,6 %) et est très faible à partir de 30 ans (0,5 % chez les 30-44 ans). Chez les hommes, elle est un peu plus faible que chez les femmes entre 18-24 ans, atteint le même niveau entre 25 et 29 ans (2,6 %), et diminue ensuite, tout en restant un peu plus élevée que celle des femmes entre 30-34 ans. Au-delà de 35 ans, elle est très faible chez les femmes et chez les hommes.
La prévalence de l'infection à Chlamydia trachomatis est associée au fait d'avoir eu plusieurs partenaires ou un nouveau partenaire sexuel dans les 12 derniers mois. Ce critère est classiquement utilisé pour déterminer les personnes à qui proposer un dépistage systématique de cette infection. Néanmoins, parmi les individus porteurs de Chlamydia trachomatis d’après le test effectué dans le cadre de l’enquête CSF, 44 % des femmes et 26 % des hommes ne présentaient pas ce critère. Chez les personnes qui n’ont eu qu’un partenaire dans les 12 mois et n'ayant pas eu de nouveau partenaire, l’infection a pu être transmise soit par le partenaire, lui–même l'ayant acquis lors de relations avec d'autres partenaires, soit il y a plus d'un an par un autre partenaire et avoir persisté de façon latente dans les voies uro-génitales. Cette persistance prolongée est plus fréquente chez les femmes, ce qui peut expliquer en partie la proportion plus élevée de femmes que d'hommes ayant cette infection en l'absence de facteurs de risque habituels (plusieurs partenaires ou un nouveau partenaire).
Il faut par ailleurs souligner que 90 % des antécédents d’IST rapportés ont été diagnostiqués par des médecins exerçant dans le secteur libéral. A l’occasion de ce diagnostic, la proportion de personnes qui ont parlé de cette infection à leur partenaire sexuel est plus faible chez les hommes que chez les femmes.
Divergences dans les représentations de la sexualité au féminin et au masculin
Des transformations sensibles se dessinent au cours de ces dernières décennies dans les représentations de la sexualité, de plus en plus distinguée de ses enjeux de procréation. Toutefois, ces représentations continuent toujours à se conjuguer différemment au masculin et au féminin. L’évolution apparaît complexe, traduisant dans certains cas un rapprochement des positionnements des hommes et des femmes au fil des générations, dans d’autres un maintien, voire une accentuation des divergences entre les femmes et les hommes les plus jeunes. Les femmes les plus âgées, qui déclarent, comme on l’a vu précédemment, une vie sexuelle plus diversifiée que leurs homologues des générations plus anciennes, restent toutefois peu nombreuses à envisager la sexualité en dehors du cadre d’une relation amoureuse. Les femmes de moins de 50 ans, qui ont débuté leur vie sexuelle alors que la contraception médicale se diffusait, dissocient à peine plus que leurs aînées les enjeux sexuels des enjeux affectifs et sont beaucoup moins nombreuses que les hommes à considérer « que l’on peut avoir des rapports sexuels avec quelqu’un sans l’aimer ». Alors qu’au fil des générations les hommes séparent de plus en plus sexualité et affectivité, les positions féminines évoluent peu, traduisant la pérennité de l’injonction sociale à une inscription de la sexualité dans la vie conjugale. Il en résulte que l’écart entre les déclarations des femmes et des hommes se creuse et une forte différence de point de vue est enregistrée chez les plus jeunes : les hommes de 18 à 24 ans sont deux fois plus nombreux que les femmes à considérer que l’on peut avoir des rapports sexuels avec quelqu’un sans l’aimer (57 % contre 28%).
Ces divergences s’inscrivent dans une vision du monde qui voit dans la biologie la cause essentielle des différences hommes/femmes en matière de sexualité. Cette vision du monde s’exprime d’ailleurs souvent dans une psychologie qui se fonde sur les différences biologiques. Ainsi, les femmes et, dans une moindre mesure, les hommes adhèrent majoritairement à l’idée selon laquelle les hommes auraient « par nature plus de besoins sexuels que les femmes » (75 % des femmes et 62 % des hommes). Cette idée l’emporte dans tous les groupes d’âge, et n’est qu’un peu moins présente chez les jeunes de 18 à 24 ans, parmi les femmes comme parmi les hommes.
Ces représentations rendent compte de la place, différente selon le sexe, que la sexualité occupe dans la vie des individus. À tous les âges de la vie, elle apparaît plus indispensable aux hommes qu’aux femmes (43 % pour les hommes et 31 % pour les femmes), qui la considèrent plus souvent importante mais pas indispensable (55 % pour les femmes et 49 % pour les hommes). Chez les hommes comme chez les femmes, c’est entre 25 et 50 ans que la sexualité apparaît le plus indispensable. C’est en tout début de vie sexuelle, mais surtout dans les générations âgées de plus de 50 ans que la sexualité apparaît le moins souvent indispensable. Les différences de positionnement entre les femmes et les hommes sont moins marquées dans les jeunes générations : tandis que les femmes de 60-69 ans sont deux fois plus nombreuses que les hommes du même âge à considérer que la sexualité n’est pas importante dans leur équilibre personnel (37 % versus 18 %), les jeunes femmes et hommes de 18-24 ans ne partagent une telle conception que dans 12 % des cas.
Ainsi donc, en dépit de certaines évolutions, les représentations de la sexualité restent marquées par un clivage qui continue d’opposer une sexualité féminine pensée prioritairement dans le registre de l’affectivité et de la conjugalité, à une sexualité masculine pensée majoritairement dans le registre des besoins naturels et du plaisir. Et un tel clivage semble appelé à perdurer tant il renvoie toujours in fine à une différence femmes-hommes pensée comme un fait de nature, particulièrement en matière de sexualité.
En guise de conclusion
Les premiers résultats de l’enquête CSF portent la marque des évolutions de la société française au cours de ces dernières décennies, notamment la poursuite de la transformation des structures familiales, l’augmentation de l’autonomie sociale et économique des femmes, le renforcement de la norme d’égalité entre les sexes, et la précarisation de certains groupes sociaux. Le développement de l'épidémie de sida depuis le début des années 80, avec la diffusion des traitements dans la seconde moitié de la décennie 1990, a également induit d’importantes modifications du contexte de la sexualité.
Les tendances esquissées depuis les années 70 se prolongent : alors que nombre d’indicateurs d’activité sexuelle restent relativement stables chez les hommes, les déclarations des femmes attestent d’une évolution continue dans le sens d’une vie sexuelle de plus en plus diversifiée (hausse du nombre de partenaires déclarés, des rapports avec des personnes du même sexe, élargissement du répertoire des pratiques sexuelles, augmentation de l’activité sexuelle chez les femmes de plus de cinquante ans). Ces rapprochements entre femmes et hommes ne sont pas propres à la France. Au Royaume-Uni, qui a mené une grande enquête sur les comportements sexuels en 2000, les évolutions dans les déclarations des femmes vont dans le même sens qu’en France, avec notamment une augmentation marquée des nombres de partenaires déclarés, ou de la proportion de femmes qui disent avoir eu des rapports homosexuels.
Si l’importance que les individus accordent au fait d’avoir une vie sexuelle a augmenté depuis les années 1970, la place et le sens attribués à la sexualité continuent à se conjuguer de manière très différente au féminin et au masculin. Les écarts entre les hommes et les femmes se réduisent mais attestent toujours d’un clivage entre une sexualité féminine, qui ne serait pensable qu’en référence à l’affectivité et à la conjugalité, et une sexualité masculine, dont la diversité et la dimension physique apparaîtraient comme des caractéristiques intangibles. Alors que les comportements sexuels se rapprochent et que l’aspiration à l’égalité n’a jamais été aussi forte, de nouvelles tensions entre pratiques et représentations sociales se font ainsi jour. Il importe de comprendre la manière dont les individus les gèrent.
Ces différences persistantes entre les pratiques et les représentations de la sexualité des femmes et des hommes, enregistrées dans l’enquête CSF, se retrouvent dans tous les pays du monde10, qu’il s’agisse par exemple des conditions d’entrée dans la sexualité ou du nombre de partenaires. Elles apparaissent d’autant plus marquées que le statut social des femmes est plus bas. Les différences de pouvoir entre hommes et femmes et la stigmatisation de l’activité sexuelle des jeunes femmes dans de nombreux pays contribuent à peser sur leur aptitude à adopter des pratiques préventives.
L’enquête CSF confirme que l’utilisation du préservatif au premier rapport sexuel a connu une augmentation spectaculaire depuis le début des campagnes de prévention. Sa diffusion a apparemment atteint un seuil depuis les années 2000. Certains groupes sociaux semblent rester à l’écart de ce recours massif au préservatif, telles les jeunes femmes sans diplôme, alors même qu’elles sont particulièrement concernées par les infections sexuellement transmissibles. L’enquête montre aussi que les pratiques préventives restent insuffisantes parmi les personnes qui ont eu un nouveau partenaire ou plusieurs partenaires dans les douze derniers mois.
Les premiers résultats de l’enquête CSF attestent d’évolutions qui sont complexes à saisir. Des transformations se sont produites que l’on pouvait prévoir (activité sexuelle des femmes, Internet etc.) tandis que des permanences sont enregistrées là où l’on pouvait s’attendre à plus de changements (représentations de la sexualité, prostitution etc.). Pour comprendre la logique de tous ces comportements, il faut les rapporter aux conditions de vie des personnes, aux types de relations qu’elles nouent, aux caractéristiques des partenaires qu’elles rencontrent. De nombreuses analyses sont donc en cours, qui permettront d’approfondir l’étude des conditions d’entrée dans la sexualité, les parcours affectifs et sexuels, les suites des ruptures, la diffusion de la pornographie, les liens entre sexualité et maladies, les pratiques de prévention, les normes et représentations de la sexualité et les tensions éventuelles avec les pratiques réelles, la situation des personnes sans activité sexuelle, le vieillissement sexuel, la vie sexuelle selon le milieu social etc. Ces analyses seront publiées à la fin de l’année 2007 dans un ouvrage à paraître aux Editions la Découverte, ainsi que dans des articles scientifiques.
Source : dossier de presse Inserm.
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