mardi 22 avril 2003

Nouvelles menaces sur la fertilité masculine

Selon deux études récentes, la qualité du sperme est notamment affectée par deux facteurs environnementaux : le phtalate de diéthile, présent dans la plupart de nos parfums, et le plomb. Par ailleurs, une autre recherche montre que le sperme décline avec l’âge.

Phtalate de diéthile : il endommage les spermatozoïdes
Phtalate de diéthile : ce nom ne vous dit sans doute pas grand chose. Il s’agit pourtant d’un produit chimique très couramment utilisé par l’industrie dans les parfums et les produits de beauté.D’après des tests récents, le phtalate de diéthile a été décelé dans 71 % des parfums, gels, sprays coiffants et déodorants utilisés aux Etats-Unis. Problème : il semble bien que cette substance est capable d’endommager l’ADN des spermatozoïdes et d’entraîner de ce fait un risque de stérilité chez l’homme.

L’équipe des Drs Susan Duty et Dr Russ Hauser, de l’Université Harvard (Massachusetts), a en effet établi une corrélation entre les dégâts causés à l’acide désoxyribonucléique des spermatozoïdes et la concentration en phtalate de diéthile détectée dans l’organisme de 168 hommes examinés dans des cliniques spécialisées.

Les dangers des phtalates pour l’ADN des cellules ont déjà été soulignés par plusieurs études dans le monde. Ces substances peuvent être absorbés par application de cosmétiques mais aussi par inhalation de fumées ou absorption de nourriture contaminée. De tous les pthalates, le phtalate de diéthile est celui qui a été détecté chez l’homme dans les plus fortes concentrations, ce que confirme l’étude publiée dans Environmental Health Perspectives.
«La corrélation établie par cette étude est extrêmement troublante et mérite une réponse urgente», estime le Dr Ted Schettler, directeur scientifique du Réseau de la Science et de la Santé Environnementale. Jusqu’à présent, le phtalate de diéthile était considéré comme le moins toxique des phtalates. Puisque l’ensemble du public est exposé à des phtalates de diverses sources, ces résultats, s’ils sont confirmés et vérifiés, identifient un risque significatif pour la santé publique.

L’Union Européenne a suspendu l’utilisation de six phtalates considérés comme potentiellement dangereux, dans l’attente des résultats d’une étude. Elle devrait prendre une décision sur leur interdiction d’ici la fin de l’année 2003. Les autorités sanitaires américaines, elles, ont refusé jusqu’ici de prendre une telle mesure, ce qui provoque l’indignation d’associations de défense des consommateurs et de l’environnement.

«Les produits chimiques liés aux maladies congénitales et à l’infertilité n’ont rien à faire dans des parfums, des déodorants et tous ces autres produits utilisés quotidiennement, affirme la directrice de l’organisation Women’s Voices for the Earth, Bryony Schwan. Nous demandons que les fabriquants de cosmétiques agissent de manière responsable et retirent immédiatement ces composés chimiques inutiles et dangereux de leurs produits.»

Le plomb diminue la fertilité
Le mensuel européen Human Reproduction a publié pour sa part au début de l’année une étude non moins inquiétante sur les liens entre le plomb et la fertilité. Les teneurs élevées en plomb interfèrent à la fois avec la capacité du spermatozoïde à s’arrimer à l’ovocyte, mais aussi à le féconder, indiquent le Dr Susan Benoff, directeur de recherche sur la fertilité à Manhasset, à New York, et ses collègues, après avoir examiné les cas de 140 hommes, partenaires de femmes qui entreprenaient leur première tentative de fécondation in vitro.

Par souci de vérification, les chercheurs ont exposé le sperme de neuf donneurs fertiles au plomb, avec pour résultats les mêmes entraves à la fécondation, ce qui constitue ainsi la démonstration d’un lien causal entre plomb et fertilité.

Pour parvenir à féconder l’ovule, le spermatozoïde doit d’abord s’y accrocher. Un sucre, la mannose, émanant de la couche extérieure de l’ovule, y contribue. La tête du spermatozoïde dispose de récepteurs aptes à reconnaître ce sucre. Ensuite, le spermatozoïde doit pénétrer dans le corps de l’œuf. Le succès de la première étape, l’attachement à l’ovule, est nécessaire puisqu’il permet la libération d’enzymes dont est doté le spermatozoïde, le rendant ainsi apte à franchir la membrane de l’ovule pour le féconder. La surprise a été de trouver autant de plomb dans le sperme de ces hommes dont aucun n’avait de métier les exposent à ce polluant.

Des niveaux élevés et inexpliqués de plomb ont en particulier été retrouvés dans le sperme d’hommes qui ne fument pas et ne boivent pas. Absence d’activité (augmentant les taux sanguins de plomb, qui décroissent avec l’exercice physique), alimentation riche en matières grasses, manque de calcium pourraient favoriser l’accumulation de plomb dans l’organisme. «A la lumière de ces résultats, les seuils d’exposition environnementale devraient être réévalués», estime le Dr Benoff. Ce plomb pourrait provenir de l’inhalation de particules issues de la combustion de produits pétroliers, de fongicides et de la contamination de terres agricoles, de vieilles peintures…

La qualité du sperme décline avec l’âge
Les hommes n’ont guère intérêt à trop repousser le moment de devenir père, confirme par ailleurs une autre équipe de scientifiques dans une étude publiée dans le même numéro de Human Reproduction. Leur travail, qui a porté sur 97 hommes âgés de 22 à 80 ans, en bonne santé et non fumeurs, dont 67 % ont eu des enfants alors qu’ils étaient jeunes, montre que la qualité du sperme se détériore au cours du vieillissement.

Le Dr Brenda Eskenazi, de l’Université de Berkeley (Californie) et ses collègues ont observé une diminution graduelle de la mobilité des spermatozoïdes et du volume des éjaculats. Les chercheurs confirment ainsi que, chez les hommes aussi, l’horloge biologique tourne, même si ce n’est pas de façon aussi radicale (avec la ménopause) que chez les femmes.

Plus d’un quart des cas d’infertilité sont attribuables à l’homme, rappelle l’équipe du Dr Eskenazi. Entre 22 et 80 ans, le volume des éjaculats diminue chaque année de 0,03 ml en moyenne et la mobilité des spermatozoïdes de 0,7 %. En revanche, la concentration du sperme apparaît stable jusqu’à 59 ans mais, parmi les hommes âgés de plus de 60 ans, quatre cas d’azoospermie (absence de spermatozoïdes) ont été notés (chez des sujets âgés de 68 à 78 ans). La probabilité d’avoir des spermatozoïdes atteints de défauts de mobilité se chiffre à 80 % à 50 ans et grimpe à presque 100 % à 80 ans.

Les hommes choisissent de plus en plus souvent de procréer tardivement. Aux Etats-Unis, par exemple, le taux de naissances issues de pères de 35 à 54 ans a quasiment augmenté d’un quart depuis 1980. Co-auteur de l’étude, le Dr Andrew Wyrobek met en garde ces hommes qui repoussent leur projet de paternité : «Plus ils attendent, écrit-il, plus leur chance d’avoir un enfant risque de se réduire». D’après l’OMS, les valeurs anormales correspondent à un volume égal ou inférieur à 2 ml, une concentration des spermatozoïdes inférieure à 20 millions/ml, un nombre total des spermatozoïdes inférieur ou égal à 40 millions/ml et moins de 50 % de spermatozoïdes mobiles dans le sperme.

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